Le rapport Goldstone devrait être présenté à l’Assemblée Générale de l’ONU le jour où j’écris cet article. Il n’y a pas de surprise à attendre sur le résultat de ce vote: la demande a été déposée par le groupe des pays arabes et non alignés (118 membres sur 192) qui assure la majorité à toute résolution anti-israélienne quelle qu’elle soit. L’Assemblée Générale n’a pas le pouvoir de prendre des dispositions coercitives. C’est le Conseil de Sécurité qui pourrait provoquer une inculpation devant la CPI. Il ne le fera pas, s’il est saisi, en raison du veto des membres permanents.
Rappelons les faits: au printemps, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a diligenté une Commission d’enquête pour faire le point sur “les graves violations des Droits de l’Homme dans les territoires palestiniens, en particulier à la suite des attaques militaires menées par Israël dans la bande de Gaza”. C’est dire que l’évaluation était faite avant que la commission ne commence à travailler. Lewis Carrol, dans Alice au pays des Merveilles a décrit ce processus: “porter le jugement d’abord, puis faire le procès pour confirmer le jugement”. On n’en attendait pas moins du grotesque Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, dominé par les plus grands violateurs des Droits de l’Homme de la planète; il a adopté beaucoup plus de résolutions contre Israël que contre les 191 autres Etats réunis. Mme Mary Robinson elle-même avait refusé de prendre la présidence de la commission, tant celle-ci lui paraissait obéir à un agenda politique. Richard Goldstone, juge sud-africain respecté, juif de surcroit, n’a pas eu ces scrupules. Il n’a pas trouvé anormal que participe à sa commission une juriste dont les liens avec le Hamas étaient connus et qui avait violemment critiqué Israël dans la presse. Il n’a pas pris d’avis d’experts de combat urbain, comme l’a signalé le colonel britannique Kemp dans sa remarquable déposition devant le Conseil …Et le rapport s’est à peu près exclusivement appuyé sur les témoignages fournis pas des témoins pris en main par le Hamas. Les autorités israéliennes avaient choisi de ne pas coopérer, considérant que le rapport ne pouvait qu’être biaisé. Certains gouvernements le leur reprochent, mais c’était de toute façon une situation “perdant-perdant”.
Les conclusions du rapport Golstone ont été critiquées de façon précise dans les documents du Ministère des Affaires Etrangères Israélien auxquels on peut se référer: la conclusion la moins agressive est que le travail de la commission a été très…superficiel. Ce rapport a été l’objet d’un vote d’approbation au Conseil des Droits de l’Homme (25 votes positifs sur 47 membres). On a eu la mauvaise surprise de voir la France, comme le Royaume Uni, ne pas participer à ce vote, qui a abouti par ailleurs à la rédaction d’une résolution expurgée dans laquelle les –rares- critiques contre le Hamas du document original ont disparu. Et aujourd’hui, le juge Goldstone lui-même critique la résolution du Conseil des Droits de l’Homme, Cela lui permet d’insister sur sa volonté d’équilibre: naïveté ou machiavélisme, peu importe; chacun sait qu’il faut une très longue cuiller quand on déjeune avec le diable….
Certaines conséquences du rapport Goldstone sont paradoxales: affaiblissement de l’Autorité Palestinienne et notamment de Mahmoud Abbas, qui avait préféré ne pas le mettre en exergue et qui a dû faire marche arrière sous la pression de son opinion publique, en tombant alors dans la surenchère et la détérioration de ses rapports avec le gouvernement israélien. Réticences accrues dans l’opinion israélienne à un retrait militaire en Cisjordanie: l’ONU ne reconnaissant pas à Israël le droit à la légitime défense faudrait-il pour lui complaire rester inerte si des roquettes sont tirées depuis ces territoires vers les villes israéliennes?
Il aura des conséquences malheureusement prévisibles sur l’image d’Israël dans le monde: quelles que soient ses failles, il gardera l’estampille ONU, qui, aussi décrédibilisée que puisse être l’institution aux yeux des observateurs impartiaux (si cette catégorie existe encore!), évoque, seule, la nostalgie d’un monde où la justice serait universelle….Il sera considéré comme la preuve des méfaits d’Israël, alors que Goldstone lui-même, dans ses interviews à la presse occidentale a précisé que son rapport ne pouvait servir de preuve (il en reconnaissait donc implicitement les insuffisances…). Nous le trouverons bientôt en tête des motifs pour lesquels le boycott d’Israël sera préconisé et la détestation d’Israël sera instrumentalisée. Pendant ce temps le Sri Lanka, au moins vingt fois plus de civils tués qu’à Gaza, n’aura toujours pas de commission d’enquête, mais qui s’en préoccupe?
Dire que le rapport Goldstone est une gifle à la vérité et un obstacle à la paix ne signifie pas que l’on pense que l’armée israélienne ne doive jamais être critiquée. Elle procède elle-même à des investigations détaillées, et il est possible que dans l’avenir, le gouvernement accepte la création d’une commission d’enquête nationale en provenance de la Cour Suprême. C’est précisément la rigueur avec laquelle ces enquêtes ont été menées dans le passé qui est une des fiertés de la démocratie israélienne. La mettre sur le même pied que le Hamas, dont un des leaders a encore déclaré en septembre que “ parler de l’Holocauste dans les écoles était l’équivalent d’un crime de guerre” est une véritable insulte contre l’esprit et la morale.
(Article paru dans actualité juive du 11 novembre 2009)
Photo : D.R.