Tribune
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Publié le 20 Avril 2010

Ronald Lauder à Barack Obama : «Nous sommes préoccupés par la détérioration des relations entre Israël et les Etats-Unis»

J’écris aujourd'hui en tant qu’Américain, fier de l’être, et en tant que Juif, fier de l’être. Aujourd'hui, les Juifs du monde entier sont inquiets. Nous sommes préoccupés par les ambitions nucléaires du régime iranien qui se targue de ses intentions génocidaires à l’encontre d’Israël. Nous sommes préoccupés car l'Etat Juif est isolé et délégitimé. Monsieur le Président, nous sommes préoccupés par la détérioration dramatique des relations diplomatiques entre les États-Unis et Israël.




Les services israéliens en charge de l’habitat ont fait une annonce à un moment inopportun, sans doute, et votre Administration l’a considérée comme une "insulte". Ce faux-pas diplomatique représentait la quatrième étape préparatoire d’un processus qui en compte sept – un plan de construction d’habitations prévu pour dans plusieurs années et ce, dans une partie juive de Jérusalem, qui, quel que soit l’accord de paix, resterait partie intégrante d'Israël.



Nos préoccupations prennent un cours alarmant lorsque nous examinons certaines questions inquiétantes. Pourquoi le discours au sujet du Moyen-Orient de cette Administration, donne-t-il l’impression de rendre Israël seul responsable de l’absence d’avancées des discussions de paix ? Après tout, ce n’est pas Israël mais bien les Palestiniens qui refusent la négociation.



Israël a fait des concessions sans précédent. Il a décrété un moratoire sur les implantations d’une envergure sans précédent dans son histoire.



Israël a déclaré publiquement sa volonté de trouver une solution à deux états. Par contre, de nombreux Palestiniens persistent dans leur refus de reconnaître à Israël le droit même à son existence.



La racine profonde du conflit a, depuis toujours, été le refus palestinien d’accepter Israël en tant qu’état du peuple juif. Chaque président américain qui a essayé d’établir un accord de paix s’est trouvé, à un moment donné, confronté à cette intransigeance palestinienne. Souvenez-vous de l’angoisse du Président Clinton lorsque ses propositions de paix ont été brutalement rejetées par les Palestiniens en 2000.
Les implantations n'étaient pas le problème fondamental à l’époque.



Actuellement, elles ne le sont pas davantage.



Une autre question nous parait importante: quelle est la position de l'Administration concernant les frontières d'Israël dans quelque accord final que ce soit ? L’ambiguïté à ce sujet a suscité une vague de rumeurs et engendré de l’inquiétude. L'Amérique ne se considère-elle plus comme solidaire d’un accord qui assure à Israël des frontières sûres et défendables ? Se dirige-t-on vers un nouveau tracé ne laissant à Israël que les frontières indéfendables d’avant 1967, celle-là même qui ont permis l’invasion ?
Des démarches significatives laissent paraître l’intention de la partie palestinienne de revendiquer ces frontières indéfendables comme base pour une future déclaration unilatérale d'indépendance. Quelle sera la réaction des États-Unis face à une ligne de conduite aussi intransigeante ?



Quelles sont les ambitions stratégiques de l'Amérique dans l’ensemble du Moyen-Orient ? La volonté de l'Administration d'améliorer les relations avec le monde musulman est bien connue. Mais la friction avec Israël fait-elle partie de cette nouvelle stratégie ? La détérioration des relations avec Israël a-t-elle pour but d’apporter des améliorations dans les relations avec les musulmans ? L'Histoire en cette matière nous enseigne que la conciliation ne fonctionne pas. Le résultat obtenu est le contraire de celui souhaité.



Et qu’en est-il du plus dangereux acteur de la région ? L’attention des États-Unis ne devrait-elle pas se concentrer principalement sur la plus grande menace à laquelle le monde est confronté aujourd'hui ? Cette menace, c’est un Iran doté de l’arme atomique.
Israël n’est pas seulement le plus proche allié de l'Amérique au Moyen-Orient, il est aussi le plus dévoué à l’objectif déclaré de cette Administration, de garantir que l'Iran ne possède pas l’armement nucléaire.



Monsieur le Président, nous ne mettons pas en cause la sincérité de votre volonté de trouver une solution pour une paix durable. Cependant, nous vous exhortons à prendre en considération les préoccupations que nous exprimons. Notre grand pays et le petit État d'Israël partagent les valeurs fondamentales de liberté et de démocratie. C’est un lien que chérit l’ensemble du peuple juif et c’est dans cet esprit que je vous demande, très respectueusement, de mettre fin à notre querelle publique avec Israël pour affronter ensemble les véritables défis auxquels nous sommes confrontés.



(Ronald Lauder est le président du Congres juif mondial. Il a écrit le lettre que nous publions au président des Etats-Unis)



Photo : D.R.