Tribune
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Publié le 4 Mars 2010

Scènes de la vie quotidienne, par Haïm Musicant, directeur général du CRIF

A Paris, capitale de la France, symbole du combat pour la liberté, l’égalité et la fraternité, Avi 14 ans, rentre de l’école, voici quelques jours.




Portant kippa et tsitsit, il est presque chez lui quand il sort du métro. Là, l’attend une bande de sept jeunes, cagoulés sauf un seul. Ils le traitent de « sale juif ». L’un d’entre eux le frappe avec un poing américain. Des coups violents lui sont portés. Après quelques minutes, les agresseurs s’enfuient sans inquiétude.



Le SPCJ conseille à Avi de porter plainte, la police ouvre l’enquête mais prévient : elle sera difficile à mener.
Cette agression s’ajoute à la longue liste insupportable des actes antisémites. Rarement mentionnée dans la presse nationale, elle n’est pas un élément de plus pour alimenter les statistiques. C’est la vie d’un adolescent, et de sa famille qui est bouleversée. De toute une communauté aussi.



Après s’être attaqué dans un premier temps à des bâtiments, désormais sécurisés, il est plus lâche de s’attaquer à des juifs isolés, jeunes de préférence.



Une étude d’Erik Cohen, a démontré que l’école laïque n’assume plus la sécurité physique et psychologique des enfants juifs. En 2010, un tiers des enfants juifs sont dans des écoles publiques, un tiers vont dans des écoles juives et un tiers ont rejoint d’autres établissements privés.



Voici près de dix ans que les jeunes juifs doivent apprendre à faire avec. Avec cette situation inacceptable, qui leur impose d’éviter certaines rues et lignes de métro. On ne peut pas, on ne doit pas s’habituer.
Les autorités publiques ont déclaré la guerre à l’antisémitisme, mais celle-ci sera t-elle gagnée ? Il faut plus d’éducation, de poursuites, de répression. Sans oublier l’amélioration de l’insertion dans la cité des agresseurs de juifs. Les parents ont aussi un rôle à jouer.



Surtout ne pas désespérer ni renoncer. Nous prenons à leur juste mesure les paroles de nos gouvernants qui déclarent que « s’attaquer à un juif, c’est s’attaquer à la République », nous leur faisons confiance pour lutter contre les antisémites. Nous nous félicitons des initiatives de la société civile. Mais…



Dans cette période où le « chacun pour soi », semble l’emporter sur le « vivre ensemble », dans cette époque de confusion idéologique où l’antisémitisme se camoufle timidement sous le masque de l’antisionisme, et où s’estompe peu à peu le souvenir de la Shoah, il n’est pas trop tard. Pour rassembler les forces saines des pays qui refusent la fatalité et ne veulent pas d’une France défigurée.



(Article publié dans Actualité juive du 4 mars 2010)



Photo (Haim Musicant) : D.R.