Tribune
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Publié le 14 Juin 2004

Si vous ne l’avez pas entendu

Roger Cukierman rencontrait Faoud Alaoui (secrétaire général de l’UOIF) au micro de Jean-Pierre Elkabbach (Europe1, dimanche 13 juin, 18h10).




Après les présentations d’usage, Jean-Pierre Elkabbach dédie l’émission à l’historien Jules Isaac dont les deux ouvrages principaux viennent d’être réédités « Jésus et Israël » et « l’enseignement du mépris ». Puis il demande à chacun de dire ce qu’il pense de l’autre. Fouad Alaoui confirme que le CRIF est une institution incontournable. Pour lui, dialoguer avec les Juifs fait « partie d’une obligation divine ». Roger Cukierman affirme sa confiance en la bonne foi de Fouad Alaoui dont il espère qu’elle « servira de modèle à tout musulman ». Il demande à Fouad Alaoui de clarifier sa position par rapport aux frères musulmans « organisation interdite dans certains pays musulmans ».

Selon Fouad Alaoui, c’est une réputation qui ne correspond pas à la réalité. Ils n’ont aucun lien d’affiliation avec les frères musulmans. « Tariq Ramadan fait partie des gens que je connais ». On caricature la scène musulmane sous forme « d’obédience étrangère ». Les Jeunes français musulmans cherchent à bâtir un Islam français.

Rogier Cukierman remarque que, sur le site de l’UOIF, il y a des condamnations des actes antisémites qui ne sont pas assez répercutées par l’AFP, mais souligne aussi qu’il y a des « tchats » et des propos qui sont assez désagréables, diabolisant Israël et vantant le Hamas, « il faut mettre de l’ordre dans tout ça ». Il relève aussi les rapports de l’UOIF avec des prédicateurs (comme Hassan Iquioussen) qui parlent de « connivence des Juifs avec Hitler ».

Pour Fouad Alaoui, « s’en prendre à un juif, c’est s’en prendre à l’Islam », l’antisémitisme est contraire au principe religieux.

Roger Cukierman affirme que le Crif a toujours condamné les agressions anti-musulmanes.

Fouad Aaloui regrette qu’aucun responsable politique n’ait dit « s’en prendre à un musulman c’est s’en prendre à la France », comme il l’a fait pour les Juifs, et Roger Cukierman est d’accord avec lui sur ce point.

Jean-Pierre Elkabbach rappelle que selon Dominique Perben, il y a eu 180 actes antisémites enregistrés en 1984 et qu’il s’agit souvent d’adolescents. Il note aussi la profanation du mur des enfants de Rivesaltes. Fouad Alaoui condamne cet acte : « s’attaquer à la conscience collective de communautés religieuses, ce n’est pas bien. (…) On vient de fêter l’accès à la liberté ».

Fouad Alaoui refuse constater un « nouvel antisémitisme ». Pour lui cela s’inscrit dans un racisme plus général qui atteint aussi les musulmans et qui est le fait « d’ennemis communs qui veulent créer des barrières entre juifs et musulmans ».

« Qui sont ces ennemis ? », demande Jean-Pierre Elkabbach, « désignez-les ». « Vous ne pouvez pas faire croire qu’il y a un complot ».

« Moi je ne fais que constater », répond Fouad Alaoui.

« Comment expliquez-vous que dans les écoles, il y a des gamins qui en traitent d’autres de sales juifs ? », demande alors Jean Pierre Elkabbach.

« Moi j’ai des enfants dans les écoles, on leur pose des questions, la réponse qui nous est donnée est qu’on dit, sale arabe, sale noir, sale juif, c’est toute une pédagogie qui manque ».

« Mais il y a les faits », rétorque Roger Cukierman, « et les faits, c’est que 95% ou 98% des agression antisémites pour lesquels il y a interpellation sont commis par des jeunes d’origine maghrébine. Plus grave encore, ce sont des mineurs. Selon la commission des droits de l’Homme, 70% des agressions racistes sont des agressions antisémites et la majorité par des jeunes d’origine maghrébine. »

Jean-Pierre Elkabbach demande alors à Roger Cukierman s’il n’y a pas précipitation à qualifier les actes et exagération.

« Allez expliquer aux parents d’Israël Ifra ou à ceux dont les enfants sont agressés dans les cours de récréation ou dans le métro, ou à ceux qui quittent leur banlieue qu’il y a exagération » répond Roger Cukierman.

Fouad Alaoui insiste encore sur le « deux poids deux mesures » qui fait qu’il n’y a pas eu indignation quand un arabe est agressé.

Sur la justice, Roger Cukierman remarque que la loi Lellouche n’a pas été appliquée une seule fois et que chaque fois qu’il y a eu procès en délit d’opinion, la 17e chambre a systématiquement relaxé les inculpés, de même que chaque fois qu’il y a eu arrestation après agression. « La justice, c’est comme l’opinion publique, elle est indifférente. Elle continue à penser que c’est un conflit entre vous et moi, alors que c’est les valeurs de la République et la paix civile qui sont en cause ».

Fouad Alaoui pense que la justice fait son travail. Pour lui la peur des Juifs est exagérée et craint que cela ne produise l’effet inverse. Roger Cukierman rétorque : « il ne faut jamais avoir peur de la vérité ».

Jean-Pierre Elkabbach note le repli des communautés, et fait part de l’inquiétude de Dounia Bouziar sur « le noyautage des musulmans par les islamistes ». « Partagez-vous cette inquiétude sur ce noyautage dans des endroits où vous devriez avoir plus votre présence ? » demande-t-il à Fouad Alaoui. Fouad Alaoui répond que « au lieu de travailler sur la tolérance, on est train de désigner l’autre comme à l’origine du mal ».

Jean-Pierre Elkabbach interroge sur le Conseil européen de la Fatwa et la présence dans ce conseil de Youssouf Al Qardawi qui prône les mêmes opinions que l’imam de Vénissieux qui a été expulsé. Pour Fouad Alaoui, ceci fait encore partie de cette volonté de stigmatisation. On ne peut pas comparer la loi religieuse et la loi de la République. Il faut normaliser les relations entre la République et l’Islam.

Roger Cukierman affirme que pour les Juifs, la loi de la République prime sur la loi religieuse. Il rappelle les propos du président de l’UOIF : « notre constitution c’est le Coran ». Ce à quoi Fouad Alaoui répond que l’intéressé aurait démenti avoir tenu de tels propos. Roger Cukierman souhaite que les maires des villes convoquent les parents des coupables quand il y a des agressions. Fouad Alaoui s’élève contre ce qu’il considère comme une discrimination. Pour lui « il s’agit de délinquants » comme il y a des délinquants juifs qui s’attaquent aux musulmans ». Pour Roger Cukierman, cette haine vient de l’éducation et des télévisions arabes en particulier. Fouad Alaoui met en doute la diffusion d’émissions antisémites par ces télévisions.

Il est ensuite question des relations avec le ministère, de la protection des lieux juifs, Fouad Alaoui insiste encore sur le « deux poids deux mesures ».

Fouad Alaoui n’a pas voté aux européennes, à cause de la loi sur le voile, bien qu’il affirme qu’il va l’appliquer, malgré la circulaire qui l’assouplit. Il considère que les directives des chefs d’établissements sont discriminatoires. Roger Cukierman, lui, a accompli son devoir de citoyen.

Jean-Pierre Elkabbach interroge encore Roger Cukierman sur la représentativité du Crif : celui-ci rappelle qu’il représente « les institutions juives », comme les syndicats représentent leurs adhérents.

Il l’interroge aussi sur l’ « opération Sarcelles d’abord » qui serait montée par l’Agence juive. Roger Cukierman demande de « garder son calme » et regrette ce plan si il existe effectivement.

Pour Fouad Alaoui, être Français « est une adhésion de cœur, on ne peut pas avoir une double allégeance ». Quand à Roger Cukierman, il rappelle que les Juifs vivent en France depuis 2000 ans et que l’on fête le 900e anniversaire de la mort de Rachi, qui vivait à Troyes. Il demande que l’UOIF publie un communiqué disant son opposition à l’antisémitisme et une lettre aux imams dans ce sens. Fouad Alaoui répond que l’UOIF a déjà publié de nombreux communiqués, et que 99% des familles musulmanes sont contre l’antisémitisme. Il réclame une commission ministérielle sur le racisme qui inclut les musulmans. Il insiste sur le fait que les actes antisémites sont des « actes de délinquance et que la même délinquance touche les enfants musulmans ». Roger Cukierman invite Fouad Alaoui à venir exposer ses propositions devant la commission du CRIF, chargée des relations avec les musulmans. Réponse : « Inch Allah. »

Anne Lifschitz-Krams

Vous pouvez réécouter l’émission en cliquant sur le lien suivant : http://www.europe1.fr/infos/chaine.jsp?chaine=7 .
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