Notre ministre des affaires étrangères M. Juppé s’est déclaré, comme chacun de nous, heureux de la libération de Gilad Shalit. Mais il lui a échappé un commentaire certainement involontaire : ce serait « un accord équilibré ». Drôle d’équilibre ! 1027 prisonniers condamnés par des tribunaux pour faits de terrorisme contre un soldat de 20 ans qui n’avait pas commis le moindre délit ! Non c’est un échange déséquilibré.
Cette libération conforte la tradition de Tsahal de ne jamais abandonner un soldat à l’ennemi. C’est un soulagement pour les parents de tous les soldats de l’armée d’Israël.
Mais ne nous privons surtout pas de la joie de cette issue ! Quel soulagement, quelle joie de voir Gilad Shalit revenir sain et sauf à sa famille, à Noam et Aviva ses parents qui se sont tellement battus pour sortir leur fils d’un martyr inouï imposé par les terroristes du Hamas, 5 années de souffrance, d’isolement total, d’angoisse. Même pas la moindre visite de la Croix Rouge à notre Gilad pourtant citoyen français autant qu’israélien !
Et un grand merci à tous ceux qui ont contribué à la solution ! Merci aussi à ceux qui se sont démarqués de l’hostilité d’une grande partie de l’opinion publique française envers Israël. Je pense notamment à Claude Goasguen qui a affiché en permanence un immense portrait de Gilad Shalit sur le fronton de sa mairie du 16e.
Les dirigeants du renseignement israélien, nouvellement nommés à ces fonctions, et le Premier Ministre Bibi Natanyahu ont estimé qu’il n’y avait pas d’issue militaire, et que l’évolution inquiétante du soi disant printemps arabe imposait d’agir rapidement, c’est ce qu’on appelle une fenêtre d’opportunité, si on voulait éviter à Gilad le sort funeste de Ron Arad. L’Etat d’Israël pendant cinq ans n’a pas su sauver le soldat Gilad, il a dû payer le prix. C’était une décision difficile, une décision courageuse.
Car le prix à payer est très lourd. Il n’est pas étonnant que trois ministres d’Israël sur une trentaine se soient opposés à cet accord avec le Hamas.
Le prix est lourd parce que le Hamas triomphe. Il obtient la libération de 1.027 prisonniers dont au moins 300 condamnés à perpétuité pour des crimes de sang avec à leur passif 600 israéliens assassinés. Le Hamas démontre qu’il est plus efficace que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Il s’impose comme un interlocuteur incontournable. Il y a même eu au Caire des réunions entre le Hamas et les Israéliens dans le même immeuble mais dans des bureaux séparés.
Le prix est lourd : le Hamas est de moins en moins rejeté par la communauté internationale.
Le prix est lourd : pensons aux parents qui ont perdu des êtres chers et voient les assassins de leurs enfants être libérés purement et simplement dans l’euphorie de la rue palestinienne.
Et, pire encore, le prix continuera de s’alourdir ! Nul doute qu’une partie de ces prisonniers libérés commettra de nouveaux actes de terreur. Nul doute que ce succès pour le Hamas est une incitation à pratiquer de nouveaux enlèvements de soldats ou de civils israéliens. Le Hamas ne s’en cache pas il veut libérer tous les prisonniers palestiniens ! Il en reste 5.000.
Oui le prix est lourd, très lourd. Mais cet échange déséquilibré était un devoir impérieux, une obligation conforme à l’éthique juive, et c’est sans doute le plus important !
Chronique de Roger Cukierman sur Judaïque FM 94.8 le 17 octobre 2011
Photo : D.R.