Tribune
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Publié le 14 Novembre 2006

Un quotidien iranien : « Montrons [à la France] et aux autres -en écartant la France des marchés iraniens- que les liens politiques et économiques avec l'Iran ont un prix…

Nous publions ci-joint des extraits d’une dépêche du MEMRI (The Middle East Media Research Institute), n°57. Il s’agit de la traduction d’un article publié le 8 novembre 2006 dans le quotidien iranien conservateur Joumhouria Eslami, affilié au séminaire religieux de Qom, sous le titre « Nous allons débuter les sanctions ». Cet article exprime l'indignation iranienne face à la participation de la France à la formulation du projet de Résolution du Conseil de sécurité de l'Onu relatif aux sanctions contre l'Iran. Le quotidien fait en outre référence aux menaces du président Jacques Chirac émises en janvier 2006 selon lesquelles la France s'octroyait le droit de réagir de manière « non conventionnelle » le cas échéant. L'article appelle donc l'Iran à écarter la France des marchés iraniens, afin de poser un exemple pour les autres nations.


Ce qu’écrit Joumhouria Eslami :
Nous n’avons oublié aucune des menaces de réaction nucléaire formulées par Jacques Chirac [contre l'Iran].
« Le processus des changements relatifs au dossier nucléaire iranien à des fins pacifiques entre à présent dans une nouvelle phase. La Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne, qui autrefois venaient à Téhéran dans le cadre d'une 'commission d'enquête', prétendument pour trouver une solution adéquate et négocier avec l'Iran, ont ensuite tenté, en tant que 'médiateurs', de nous priver unilatéralement de nos droits en échange d'engagements sans provision vis-à-vis de l'Iran ; aujourd’hui, non seulement ces pays nous menacent, mais ils s'enthousiasment de la confrontation avec l'Iran et sont encore plus ivres que les Etats-Unis.
Nous n’avons oublié aucune des menaces de réaction nucléaire formulées par Jacques Chirac [contre l'Iran] pendant ces chaudes journées d’été. La France ne s'est jamais excusée de cette déclaration ; elle ne l'a jamais corrigée ou expliquée ; au contraire, elle a choisi d'adopter vis-à-vis de l’Iran une conduite que même les Etats-Unis ne se permettent pas.
Aujourd’hui, la France figure sur la liste des Etats qui jouent un rôle direct dans la formulation des projets de résolution du Conseil de sécurité relatifs aux sanctions [contre l'Iran]...
Il est donc important de comprendre que ces dernières années, la France a profité au maximum des bénéfices importants récoltés sur les marchés iraniens et essaie encore de récupérer la plus grande part du délicieux gâteau de l’économie iranienne.
Paris sait que grâce aux 25 milliards d’Euros investis ces 15 dernières années dans l’économie iranienne, [la France ] s’est assurée une assise importante, mais les dirigeants de Paris doivent comprendre qu’on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. M. Chirac ne peut pas à la fois nous faire des clins d’œil et en faire à nos ennemis, et piller les Iraniens. Les conditions de l’accord [économique] de la France avec l'Iran relatif au pétrole, au gaz et à l'industrie automobile, sont pour la plupart profitables à la France uniquement...
Les bénéfices de plus de 60 pourcents que la France gagne de son contrat sur le gaz avec l'Iran devraient sans aucun doute servir d'apéritif. Toutefois, il est vexant et cruel vis-à-vis de l'Iran que dans de telles circonstances [en faisant de tels bénéfices], la France soit le seul pays à exercer sur l'Iran des menaces nucléaires.
Avec sa présence chaque jour accrue - et irresponsable - sur le marché iranien, Paris essaie d'assurer ses intérêts en Iran et en dehors de l'Iran. Si Paris ne subit aucun problème suite aux sanctions contre l'Iran, Paris pourra [continuer de récolter] les importants bénéfices du marché iranien et se remplir les poches. Si [toutefois] la France doit souffrir des sanctions contre l'Iran, [du fait de l'interruption de ses liens économiques avec l'Iran], elle demandera aux Etats-Unis des dédommagements et recevra de Washington d'autres offres économiques [à la place de celles de l'Iran]."
Viendra le jour où la coupe de notre patience sera pleine et alors nous agirons comme eux l'auraient fait à notre place - depuis longtemps.
"C'est pourquoi il convient de prévenir Paris et de les informer que nous pouvons lire leurs intentions et sommes tout à fait conscients du fait que la France ne mérite plus d'avoir une présence illimitée sur les marchés iraniens riches en bénéfices.
Montrons [à la France] et aux autres – en écartant la France des marchés iraniens – que les liens politiques et économiques avec l'Iran ont un prix… Le fait que M. Chirac lorgne la table des victuailles iraniennes, tout en participant au projet de Résolution du Conseil de sécurité relatif aux sanctions contre l'Iran, est tout à fait inadmissible et insupportable.
Dans de telles conditions, il convient de réévaluer nos relations avec la France – vu les avantages unilatéraux économiques et industriels dont elle jouit. Cette réévaluation doit avoir lieu afin d'éviter une insolence supplémentaire de la France. D'un autre côté, une telle mesure permettra de faire comprendre aux autres partenaires économiques de l'Iran qu’il y a une limite à notre patience face à leur comportement irresponsable. Viendra le jour où la coupe de notre patience sera pleine et alors nous agirons comme eux l'auraient fait à notre place - depuis longtemps."