Tribune
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Publié le 2 Novembre 2005

Une armée pacifiste

Il y a quelques jours même les moins religieux des Juifs du monde ont célébré le jour du Grand Pardon, Yom Kippour.



Ils ont prié à l’unisson pour qu’enfin, la paix s’installe, dans le monde et en Israël, entre Israéliens et Palestiniens, en espérant que le désengagement historique de Gaza en ait tracé la voie.

Le désengagement par Israël de Gaza et de quelques implantations de Cisjordanie a été relativement salué comme un pas important vers un avenir meilleur pour les deux peuples Israéliens et Palestiniens. Les optimistes y voient le début de réalisation de la naissance d’un Etat palestinien qui vivrait en paix avec son voisin israélien, les pessimistes n’y voient qu’un avatar de plus dans le jeu de dupe auquel se livreraient les états.

Pourtant la réalité est bien présente : les dirigeants israéliens ont tenu leurs engagements, les implantations ont été évacuées et le drapeau palestinien flotte sur Gaza et certains territoires Cisjordaniens.

Un phénomène important pour notre société du 21ème siècle s’est déroulé, en direct, sous le regard acéré des médias et n’a pas été mesuré à sa juste valeur : TSAHAL cette armée souvent décriée, trop souvent mise en concurrence avec de jeunes enfants institués soldats, a montré au monde qu’elle était pacifique.

Sa tâche ne fut pas aisée.

Israël avait pris, dans le respect des règles de la démocratie une décision politique d’évacuation des implantations , ce qui impliquait très clairement l’expulsion de parties de territoires sur lesquels étaient établis des citoyens israéliens.

Ces derniers, appelés « colons » par certains, animés de la farouche volonté de rester, ont fondé leur refus sur des bases politiques et sécuritaires mais également sur des bases religieuses et mythiques.

Lorsque l’on considère que l’Etat d’Israël est un état Juif, donc confessionnel, dont la constitution est une application contemporaine d’un texte révélé, l’argument religieux pourrait sembler incontournable.

Il faut alors considérer ce que le judaïsme a de profondément différent des autres religions révélées.

Pour les Juifs, Dieu a créé le monde, a donné à l’humanité la conscience et la responsabilité à travers la loi « noachique » et au peuple dit «élu» une loi encore plus particulière faite de contraintes, et de devoirs envers eux même et le reste de l’humanité.

Ce Dieu révélé, après avoir accompli son œuvre de création, l’a confié à l’Homme.

L’Homme a reçu pour mission de préserver cette création et de l’accomplir à son tour, avec tout le libre arbitre dont il dispose.

Cette attitude a été illustrée par le comportement de l’armée d’Israël que d’aucuns ont fustigée, accusée des pires crimes, voire de pseudos massacres.

Cette armée populaire au sens strict du terme, puisque composée de chaque Israélien et Israélienne ayant à cœur de participer à la défense effective de son pays, allait se préparer pendant des semaines entières, à une répression pacifiste, dans le cadre de sa délicate mission d’expulsion.

Il s’agissait de remettre des ordres d’expulsion au besoin en évacuant « manu militari » des citoyens « agrippés » à leurs maisons, à leurs champs, à leurs fabriques, à leurs écoles, à leurs synagogues et qui avaient des arguments à opposer à leurs propres soldates et soldats.

Cette préparation s’est voulue essentiellement psychologique : des soldats sans armes, chargés d’accompagner ces colons, voire de les prendre dans leurs bras, avec douceur mais fermeté, tout en les réconfortant, en les écoutant sans jamais faiblir devant leur objectif qui était de réussir le processus d’évacuation.

Sur le terrain, cet incroyable scénario s’est déroulé au delà de toute attente, sans émotion contenue, avec des gestes de fraternité, le respect, la dignité.

Il n’y a eu ni gagnant ni perdant t les laïcs ne l’ont pas emporté sur les religieux comme l’a analysé Amos Oz.

Cela illustre les valeurs humaines du judaïsme et l’unité du peuple juif : des hommes et des femmes capables de se résigner dès lors que le klal » (collectivité) avait décidé.

Malgré les menaces politiques qui pèsent sur Israël, malgré le poids politique des partis religieux, malgré l’insécurité aux frontières, la raison, l’amour du prochain l’ont emporté.

Cet événement est la preuve que je judaïsme ne pourra jamais sombrer dans le fanatisme.

Tsahal, jeune armée stigmatisée, vilipendée, a prouvé que le cours du monde appartient bien aux hommes.

Et il faut que se soit Israël, Etat Juif, confessionnel qui donne, à travers sa jeune armée au monde cette leçon de pragmatisme et d’intelligence.

En nos temps troublés assiégés par un retour implacable du fanatisme religieux dans ce qu’il a de plus dévastateur, c’est cet Etat là et sa jeune armée qui ont donné l’exemple !

Martine Ouaknine, Présidente du Crif Sud Est

Alain Belhassen, Président de l’AUJF Côte d’Azur