Tribune
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Publié le 28 Septembre 2010

Une histoire de Techouva pas comme les autres…

Varsovie, milieu des années 1990. Pawel n’a pas encore 20 ans. Jeune marié, crâne rasé, les idées claires. Un nationaliste à 100 %. Le genre de type à cogner contre tout ce que la capitale compte de “mauvais Polonais” : Noirs, gauchistes, juifs… Juifs surtout.




Pawel et ses amis font partie du milieu skinhead. Des chantres de la suprématie blanche, convaincus que la Pologne se porterait comme un charme si elle appartenait aux vrais Polonais. Ola partage ces convictions. Elle et Pawel se sont connus à l’école quand ils avaient 12 ans. “Le coup de foudre”. A 18 ans, elle l’épouse. A l’époque, la jeune fille ignore qu’elle est juive. Il est arrivé que sa mère évoque ses racines, mais “quand nous en avons parlé, j’avais 13 ans, se souvient Ola. (…) Ça ne m’intéressait pas, ça m’est sorti de la tête”.



L’idée, pourtant, fait son chemin. Ola finit par se rendre à l’Institut d’histoire juive de Varsovie, qui dispose d’une documentation considérable. Dix siècles d’archives. La jeune fille y trouve des réponses à ses questions, et même un peu plus. A sa grande surprise, elle n’est pas la seule à posséder des origines juives : son époux néo-nazi aussi.



Quand elle lui annonce, Pawel tombe des nues. “La première chose à laquelle j’ai pensé, explique-t-il dans un entretien sur CNN, c’est ‘qu’est-ce que je vais dire aux gens ? Qu’est-ce que je vais dire aux copains ? Est-ce qu’il va falloir l’avouer ?’. J’étais en colère, triste, effrayé, incertain. (…) Je ne pouvais pas me regarder dans la glace. Je voyais un juif. Je détestais ce reflet dans le miroir.”



Pour essayer d’y voir plus clair, le jeune homme se tourne vers Michael Schudrich, Grand Rabbin de Pologne. “Je lui ai dit ‘écoutez, on me dit que je suis juif, j’ai ce document dans la main, ma mère et mon père m’ont dit des choses. Qui est juif et qu’est-ce que ça veut dire ? Aidez-moi, je suis en train de devenir dingue.”



Dix ans plus tard, le doute a cédé la place à une certaine sérénité. Pawel et Ola sont des membres actifs de la communauté juive polonaise. Elle, travaille à la synagogue. Lui, dans un abattoir où les animaux sont préparés selon le rite casher. “Le fait qu’ils aient été skinheads ne fait qu’accroître le respect que j’ai pour eux, explique le Grand Rabbin Schudrich. (…) Ils ont compris que ce n’était pas le bon chemin, ils ont accepté, plutôt que de la fuir, l’idée de faire partie de ces gens qu’ils détestaient.”



Article publié dans l’édition du Monde du 28 septembre 2010



Photo : D.R.