Dieudonné a présenté, lors d’une conférence de presse, vendredi 8 mai, au théâtre de la Main d’Or, à Paris, vingt candidats sur les vingt six obligatoires, de sa « liste antisioniste, en Ile-de-France, en vue du scrutin du 7 juin pour les élections européennes. Parmi eux, Maria Poumier qui se réclame d’Hugo Chavez, en l’honneur duquel elle arborait une casquette aux couleurs du Venezuela. Qui est-elle ?
« Née en 1950 dans une famille bourgeoise, à dix-sept ans j’ai ressenti l’assassinat du Che comme un sacrifice extraordinaire qui exigeait, tout simplement, que l’on suive ses traces », raconte Maria Poumier, dans un texte autobiographique publié en 2005 (1).
« Je suis allée offrir mes services à la révolution cubaine, et j’ai enseigné à l’université de La Havane plusieurs années, jusqu’en 1979. Agrégée d’espagnol depuis 1971, j’étais passionnée de littérature, de philosophie de l’art, d’esthétique, et on me demandait des cours dans ce domaine. C’est dès cette époque que les efforts de Roger Garaudy pour élargir les critères de valeur à l’intérieur du camp des communistes m’ont intéressée… Cela me confortait dans mes convictions : j’appartenais au camp de la gauche, j’essayais d’être aussi solidaire que possible des damnés de la terre, et depuis la place singulière que le romantisme et le hasard m’avaient donnée, il me semblait que mon rôle était de desserrer les étaux idéologiques, de réintroduire la respiration de la pensée dans les domaines que je connaissais et que j’aimais, et cela dans mon milieu professionnel. »
Maria Poumier poursuit :
« Puis je revins en France : dix ans de socialisme, avec toutes les férocités qu’une dictature férocement assiégée répercute jusqu’au cœur de la vie domestique, étaient venus à bout de ma faiblesse. Mon échec personnel a renforcé mon admiration pour les gens modestes, le peuple, infiniment plus résistant que nous autres, les intellos, dans leur endurance à la torture permanente que leur inflige l’impuissance. Le sens des valeurs, je continue à le reconnaître souvent chez les communistes, en Amérique latine comme en France, surtout lorsqu’ils refusent tout privilège... En France, dans l’enseignement secondaire, je découvre la banlieue, et à nouveau l’exemple du courage et de la patience dans les familles immigrées. Dans les années quatre-vingt dix, je m’investis dans l’action sociale, en misant sur le potentiel des mères de famille étrangères et pauvres, en qui je voyais l’autorité, le sens de la responsabilité, potentialisées par les injustices qu’elles subissaient, en tant que femmes… »
Plus intéressant encore : dans son récit, Maria Poumier raconte son cheminement qui la mène vers Roger Garaudy. Elle s’ouvre ainsi à la cause palestinienne :
« Voilà comment je retrouve Roger Garaudy, et j’épouse globalement son aventure intellectuelle, avec la redécouverte du religieux, et sa relecture de l’islam comme source d’une nouvelle jeunesse pour la pensée en Europe. Une fois nommée Maître de Conférences à l’Université de Paris VIII, Saint-Denis, ex Vincennes, avec le soutien des hispanistes et spécialistes de Cuba réputés les plus à gauche dans le monde universitaire, j’ai donc eu le plaisir de l’inviter à faire une conférence publique sur « Islam et modernité », avec l’accord de la présidence de l’université à cette époque, convaincue que c’était salutaire dans une université où il est probable que plus de la moitié des étudiants sont musulmans. A ce moment, pour moi, les juifs n’existaient pas plus que les corses ou les bretons, c’est à dire des éléments vivants du folklore national, et dignes, comme les corses et les bretons, d’une attention fraternelle dans la mesure où ils avaient parfois maintenant un statut minorisé. Sionisme, Palestine, étaient des questions très éloignées de mes préoccupations, je l’avoue à ma grande honte, les médias réussissaient parfaitement à me faire éviter de réfléchir à ces choses difficiles. »
C’est alors que survient probablement le « déclic ». Maria Poumier s’en explique :
« Des énergumènes tentèrent par la force d’empêcher la conférence de se tenir, au prétexte que Le Monde et le Canard enchaîné venaient d’annoncer que Roger Garaudy avait écrit un livre négationniste. Dans les jours qui suivirent la CNT afficha des tracts dans l’université, qui se terminaient par ” Poumier tu ne passeras pas l’hiver “, tandis que la présidente se trouvait harcelée par certains enseignants et l’Union des étudiants juifs. »
Harcelée ? En vérité, Maria Poumier dû affronter de légitimes critiques. Plusieurs médias et associations reprochèrent à María Poumier d'être « compagne de route des négationnistes » ou « des antisémites », comme secrétaire de rédaction de la revue À Contre-Nuit fondée par Roger Garaudy, et traductrice d'Israël Shamir avec qui elle collabore (2). Son rôle dans l'édition du Manifeste judéo-nazi, titre donné à un entretien anonyme paru dans Les Voix d'Israël, l'attribuant à Ariel Sharon lui est également reproché. En septembre 1996, l'équipe de recherche de l'Université de Paris VIII Histoire des Antilles hispaniques, cadre de référence de María Poumier pour son activité universitaire, décide de l'écarter « de toute fonction au sein du bureau et de toute représentation de l'équipe à l'extérieur », en raison de « sa participation à la divulgation de l'ouvrage de Roger Garaudy, Les mythes fondateurs de la politique israélienne, et par conséquent à la divulgation des thèses révisionnistes ». Sur le sujet, le sociologue français Michel Wieviorka écrit que : « l'université Paris-VIII n'est pas un repaire d'enseignants tentés par un antisémitisme aussi prononcé que celui que véhicule Maria Poumier, et il faut voir dans son cas une forme extrême et exceptionnelle de dérive (3). »
Dans son texte, Maria Poumier raconte ensuite qu’elle aurait donc été la victime d’une véritable cabale, payant ainsi sa proximité avec Roger Garaudy. Il faut lire (pour le comprendre) là encore sa prose et ce cheminement idéologique déroutant :
« Depuis 1996, quelques enseignants n’ont cessé de tout mettre en œuvre pour me marginaliser ; ils sont parvenus à me faire exclure du groupe de recherches auquel j’appartenais. Dans la mesure où je n’ai jamais exprimé la moindre opinion sur les chambres à gaz, et où Roger Garaudy est en fait victime d’un ostracisme général depuis 1982, date de son premier livre sur la Palestine, j’ai réalisé que la cause palestinienne est centrale pour notre époque, et qu’en France il existe un énorme continent submergé de pensée censurée et autocensurée, sous des prétextes divers. »
Elle serait non seulement « marginalisée », mais en plus écrit-elle la cause qu’elle prétend défendre serait -selon elle- « dénigrer », « dénaturer » par quelques « salauds de l’ombre » (dit-elle) qui font ressurgir l’odieux spectre de l’antisémitisme. » Il va sans dire -mais faut-il l’ajouter ?- que cette affirmation est totalement gratuite et sans fondement. Lisons-là cependant :
« J’ai le sentiment que le dénigrement de mon action n’est rien en comparaison de la campagne actuelle de désinformation malveillante qui dénature le combat des Palestiniens pour leurs droits élémentaires est infiniment plus grave, et la France est ces jours-ci victime d’une campagne dans les médias pour que toute protestation contre les tueries perpétrées par Israël soit assimilée à de l’antisémitisme. Comme c’est bien là l’argument suprême auquel tentent de se raccrocher nos censeurs domestiques, je répondrai comme l’éditorialiste de l’Humanité : ” quelques sinistres apprentis sorciers courageusement anonymes s’efforcent d’importer sur notre territoire le conflit, d’essence fondamentalement politique, sous les traits du souffle de la haine religieuse ou raciale. Ces ” salauds ” de l’ombre -que le lecteur pardonne cet emportement de vocabulaire qui dit bien ce qu’il veut dire- font resurgir l’odieux spectre de l’antisémitisme : ils ne méritent que d’être méprisés, combattus, démasqués et punis. [2] Il serait parfaitement injuste de soupçonner d’antisémitisme quiconque porte un jugement sévère sur les actes des autorités israéliennes. ” (Claude Cabanes, 13 10 00). Laissera-t-on encore longtemps de telles critiques s’exprimer ? »
Finalement, jusqu’ou Maria Poumier ira-t-elle ?
Le 22 janvier 2009, lors du conflit entre Israël et le Hamas, Maria Poumier publie un Appel des Chrétiens aux Evêques de France. Mais, ce texte transpose délibérément le « déicide » et son immense symbolique dans le conflit, rien que par son titre, un titre répugnant et délirant : « À Gaza, c’est Jésus qu’on assassine! » Le reste du texte suinte la violence et la haine d’Israël (4) :
« Appel des chrétiens aux Évêques de France
Les chrétiens viennent de fêter la Nativité, la naissance de Celui qui alla jusqu’à donner sa vie pour interrompre le cycle fatal de la violence parmi les hommes. Laisserons-nous assassiner Jésus pour la deuxième fois ?
Le silence et les inexactitudes ORIENTÉES véhiculés par les médias sur la tragédie que vivent les Palestiniens sont une honte et constitue une véritable provocation !
(…)
Au moment où des individus sanguinaires à la tête du gouvernement israélien renouvellent le massacre des innocents perpétré par Hérode au temps de Jésus, le Vatican pèse de toutes ses forces, au niveau diplomatique, pour arrêter la boucherie qui risque fort de s’étendre à toute la région. Et les juifs feront alors l’objet d’un rejet général et violent, comme autrefois. Nous devons manifester publiquement notre soutien à l’Eglise, afin d’aider nos autorités politiques, morales et religieuses à faire contrepoids à l’omniprésente propagande des bourreaux. L’Eglise ne pourra défendre la Terre Sainte que si nous la défendons, en tant que chrétiens. Le christianisme s’est diversifié au fil des siècles, des sensibilités différentes y ont toute leur place. Mais la protection des innocents massacrés est le combat primordial dans lequel nous nous retrouvons tous. Il se trouve que, depuis l’accession du président Bush au pouvoir, les musulmans sont massivement les victimes du dénigrement, du massacre et du déni de leurs droits élémentaires dans leurs divers pays. Les chrétiens ont l’obligation absolue de montrer leur solidarité avec les musulmans, qui ont rallumé la sensibilité religieuse dépérissante dans notre pays. Le dialogue interreligieux commence par la fraternité avec les innocents massacrés. Notre pays vient de célébrer les 60 ans de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, mais cela reste lettre morte. Seul l’Esprit peut vivifier les plus beaux textes fondateurs. Les croyants de toutes les religions, y compris ceux qui ne croient qu’en l’homme, doivent donner l’élan décisif au soutien pour les martyrs de la Terre Sainte. Et il faut faire savoir qu’une minorité de juifs, tant religieux que laïcs, partagent entièrement notre analyse sur la criminalité originaire de l’Etat d’Israël, ce qu’on nous cache soigneusement ! »
Enfin, le 8 mars 2009, Maria Poumier qui est coiffée d’un foulard est interviewée par la virulente et antisémite télévision iranienne Sahar, parce qu’elle a participé à Téhéran (les 4 et 5 mars) au forum du Front international contre le sionisme (sic). Elle est présentée par le journaliste « comme une invité de marque. » Elle commence par invoquer à l’écran « le nom de D.ieu clément et miséricordieux » (comme le font les officiels iraniens, avant de prendre la parole, dans les tribunes internationales), puis elle dit qu’elle est honorée de participer à cette conférence, « parce on a senti un esprit commun un esprit divin de rassembler tous les délégués (...) dans un but commun pour en finir avec le sionisme l’Etat fantoche, l’Etat failli qui s’appelle l’Etat d’Israël (5)… »
Tout est dit. Faut-il, dans ces conditions, s’étonner que Maria Poumier - qui est si appréciée et choyée par la chaine de télévision iranienne Sahar- soit sur la liste de Dieudonné ?
Marc Knobel
Notes :
1) http://fr.altermedia.info/general/maria-poumier-se-defend_9179.html
2) Le lecteur regardera l’entretien qu’elle a réalisé avec Israël Shamir. Cet entretien est reproduit sur le site d’extrême-droite de Voxnr.com : http://www.voxnr.com/cc/d_antisionisme/EpAplAFpEVCBaiSopL.shtml
3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Mar%C3%ADa_Poumier
4) http://www.nsae.fr/opinions-debats/a-gaza-cest-jesus-quon-assassine-par-maria-poumier/
5) http://fr.truveo.com/Front-international-contre-le-sionisme-Maria/id/2305843010219355787