Le fait qu’une fois encore la presse israélienne, voire certains universitaires israéliens sont au premier rang des critiques, n’enlève rien à l’iniquité du procès fait à Israël, en pareille circonstance. Nous serions presque tentés, sans être hébraïsant, de dire qu’en l’occurrence s’imposait l’expression fréquemment utilisée dans les conversations entre Israéliens, de « ein brera » (pas d’alternative). Même Le Monde, peu suspect de sympathie à l’égard d’Israël, dans l’éditorial du numéro daté du 2 juin, admet que « Israël avait sans doute ses raisons….. » (souligné par nous).
Quelles que soient les rodomontades des Etats, Israël nous paraît, en effet, être fondé (sur la base de la légitimité de son existence) à empêcher l’approvisionnement du Hamas, organisation terroriste, qui gouverne Gaza et qui refuse, délibérément, de reconnaître Israël, en ne se résignant qu’à une trêve (houdna) de 10 ans. Le Hamas retient, dans des conditions contraires au droit humanitaire depuis près de 4 ans un soldat israélien, enlevé en territoire israélien, et tolère, sinon encourage (il l’a d’ailleurs fait expressément dans le passé, d’où l’opération israélienne durant l’hiver 2008-2009) l’envoi de roquettes sur le territoire israélien.
Il y a quelques semaines, un conseiller juridique du Hamas affirmait que « la loi internationale permet aux Palestiniens d’utiliser tous les moyens, quels qu’ils soient, dans leur combat pour la libération de la Palestine ».
Le Hamas est donc "en guerre" avec Israël et ce pays a le droit de se défendre.
Certes, cette fois, la "flottille" n’avait, apparemment, pas de contrebande de guerre à son bord, mais si Israël l’avait laissé passer, la fois suivante, tout eut été possible. La flottille avait été avertie et donc son obstination était une provocation. Israël avait d’ailleurs proposé de faire acheminer, par vois terrestre (après déroutement sur Ashdod) l’approvisionnement humanitaire.
Il est avéré que les troupes israéliennes ont été attaquées (couteaux, barres de fer, l’origine des tirs par les passagers n’a pas été, à notre connaissance, encore clairement déterminée : s’agissait-il d’armes prises à des soldats israéliens ou de pistolets possédés par des passagers ?). En tout cas, on ne peut pas parler de "massacre", ni de disproportion, car compte tenu de leur puissance de feu, les troupes israéliennes auraient effectivement pu provoquer davantage de pertes...
Il ne suffit pas de répéter à l’envi que le blocus israélien de la Bande Gaza, y compris par voie maritime, est illégal pour qu’il le soit réellement.
Indépendamment du fait que l’Egypte a, également établi un blocus (terrestre) depuis la « prise en mains » de ce territoire par le Hamas, depuis 3 ans, Israël peut se prévaloir du droit de légitime défense contre un mouvement qui lui refuse le droit à l’existence et le fait qu’il ait été « plébiscité » par la majorité de la population de la Bande de Gaza, n’enlève rien à l’illégalité de son attitude à l’égard d’un Etat, membre de l’ONU. Ce droit autorise, également, Israël à agir sur mer. Certes, on a beaucoup entendu, de tous côtés, mettre en avant le fait qu’Israël est intervenu dans les eaux internationales pour évoquer un acte de piraterie (que n’a-t-on entendu, d’ailleurs, voire le ministre turc des affaires étrangères, comparer l’action des commandos israéliens à la monstruosité des événements 11 septembre 2001….). Mais, indépendamment des lacunes du droit international quant au rôle que jouent, actuellement, dans les crises internationales, des « acteurs non-étatiques », rien, dans le droit des conflits armés, n’interdit la façon dont Israël a mis en oeuvre le « blocus maritime » de la Bande de Gaza. Israël n’a nullement violé la liberté de navigation dans les eaux internationales en arraisonnant la « flottille pseudo-humanitaire », même à distance des « eaux territoriales » (on peut même se demander si cette notion est d’ailleurs applicable à la bande de Gaza, compte tenu de son statut indéterminé en droit international). En effet, cette flottille n’avait pas caché son intention de « forcer le blocus » établi par Israël et dont cet Etat avait, expressément, notifié l’existence, d’ailleurs respectée par toutes les compagnies maritimes. Et Charles Rousseau un grand juriste français du XXème siècle a écrit dans « Le droit des conflits armés » (éd. Pedone 1983) : « la sanction immédiate de la rupture du blocus est la capture du navire. Celle-ci peut intervenir avant que le navire contrevenant ait franchi la ligne de blocus (droit de prévention)… » (n°169 p. 271).
Israël avait donc le droit de choisir le moment le plus opportun pour procéder, à défaut de voir les commandants des navires obtempérer à l’interdiction formulée de poursuivre leur navigation, à l’arraisonnement des bateaux, avant même qu’ils ne pénètrent dans les « eaux territoriales » de la bande de Gaza.
L’expérience montre que ce type d’opération est plus difficile à réaliser près des côtes, du fait de l’intense navigation côtière qui s’y exerce.
Le fait que le Premier ministre irlandais Brian Cowen aurait déclaré qu’il était ’’interdit d’arrêter le navire irlandais qui est parti du port de Malte à destination de Gaza’’ ne change rien au problème, dès lors que Brian Cowen a manqué une occasion de se taire, lorsqu’il a justifié cette position par le fait que « le bateau était une possession irlandaise », alors qu’il est unanimement admis qu’un navire n’est pas une portion de territoire flottant….(au passage, nous nous permettrons de rappeler que durant la seconde guerre mondiale l’Irlande a prétendu être « neutre », alors qu’en réalité, ce pays a été plutôt proche de l’Allemagne hitlérienne et ne s’est pas montré particulièrement ouvert aux réfugiés juifs fuyant les persécutions).
Dans ces conditions, on ne voit pas ce qu’apporterait une enquête aussi impartiale soit elle.
La « flottille » a tenté de forcer un blocus, régulier au regard du droit international et la réaction des commandos israéliens, attaqués alors qu’ils procédaient à l’arraisonnement, non moins régulier des navires, dont les commandants avaient refusé d’obtempérer aux ordres reçus, a été proportionnée, comme en témoigne le chiffre limité des pertes en vies humaines, par rapport au nombre de personnes, qui, volontairement, entendaient provoquer Israël.
David Ruzié est professeur émérite des universités et spécialiste de droit international (article publié jeudi 3 juin 2010, sur desinfos.com)
Photo : D.R.