Tribune
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Publié le 1 Avril 2003

Zapping presse, télé, radio, Internet

Récits : TF1 vendredi 28 mars, le journal de 13h évoque des « tensions entre différentes communautés religieuses » puis propose un reportage sur de jeunes beurs dans une cité de Marseille où un membre d’une association s’exprime : « Il ne faudrait pas qu’ils se sentent tellement solidaires, mais ils ont du ressentiment devant l’injustice qui frappe les Irakiens ». Même discours sur France 2 le 25 à 8h du matin au cours d’un reportage à Toulouse sur « les tensions entre communautés juives et musulmanes » et au 20H de David PUJADAS.




« On aura tout lu », France 5, samedi 29 mars. Selon le reportage les agresseurs des jeunes Juifs sont « des éléments perturbateurs qui infiltrent la manifestation », quand au jeune membre de l’Hashomer Hatzair présent sur le plateau, il insiste sur le fait qu’il est de gauche et contre la guerre. Barbara LEFEVRE, co-auteur des « Territoires perdus de la République » ne met pas de gants ; selon elle, « dans certains lycées les enseignants abusent de leur influence » encadrant eux-mêmes les élèves pour qu’ils aillent manifester. Pour Alain FINKIELKRAUT (RCJ, 13h30 dimanche 30), ils utilisent les besoins d’indignation des jeunes.

Bonnes résolutions : Quelques jours après la manifestation qui a eu les conséquences que l’on sait, les organisateurs se sont réunis pour décider de mesures propres à éviter de nouveaux dérapages. Certains ont même annoncé : « si il y a des dérapages nous quitterons la manifestation ». Pour Ilana MORYOUSSEF (France Info, samedi 29 à 9h30), « l’agression d’une organisation sioniste de gauche a été un électrochoc pour les organisations de gauche qui jusque là avaient fermé les yeux sur les dérapages. » Mais, s’interroge-t-elle, « est-ce que cela va marquer le début d’une réflexion de fond ou l’occasion de se démarquer à bon compte ? ».

Le récit de Philippe MARTINAT dans Le Parisien de dimanche 30 mars, des manifestations de la veille semble avaliser la deuxième proposition : « Le gros des troupes est formé du PC et de l'extrême gauche. Après les graves incidents, il y a une semaine, les organisateurs avaient espéré bannir du cortège les slogans et affiches hostiles à Israël et au sionisme. Peine perdue. Place de la Concorde, une beurette brandit une pancarte en carton sur laquelle elle a écrit : « Dénonçons le complot sioniste international ». Très remontée, la communauté maghrébine fait spontanément le lien entre l'Irak et la Palestine. « Désarmez Israël, libérez la Palestine ! » scandent les militants des comités Palestine. Variante : « Halte au massacre du peuple palestinien, halte au massacre du peuple irakien ! » (…) Scotché sur un feu rouge, un tract montre une bombe marquée d'une croix rouge avec cette légende : « humanitaire à la mode Kouchner ! Face aux bobos collabos, résistance. L'Irak vaincra ». (…) ».

Tout aussi inquiétant le reportage du Monde de la veille sur un lycée de la banlieue parisienne, et le plus surprenant n’est pas le discours des élèves, mais les choix pédagogiques des professeurs. Ainsi, « Corinne, professeur de lettres et d'histoire, affiche, pour sa part, une grande sérénité. Elle a profité de la semaine de la presse à l'école pour faire travailler ses élèves de terminale BEP-maintenance sur la guerre en Irak. Tous analysent des articles, provenant éventuellement des journaux de leur pays, susceptibles de les intéresser. Mokthar, d'origine algérienne, travaille sur Al-Watan, La Tribune et Le Matin. Il avoue être "déprimé" par le déluge d'informations qu'il reçoit. "A la maison, on regarde sans arrêt Al-Jazira. On vient à l'école, et on travaille encore là-dessus. Mais ça nous fait très mal ce qui se passe en Irak", lâche-t-il ». Face à des enfants déjà gorgés d’informations recueillies à travers le prisme d’Al Jazira ne serait-il pas plus pédagogique – en même temps que plus propice à calmer les esprits - de proposer les mêmes informations vues à travers un prisme plus contradictoire – par exemple la presse américaine ou anglaise ? La question vaudrait d’être posée.

Condamnations : L’heure n’est en tout cas pas à l’introspection. Les appels à la gauche de Pierre LELLOUCHE, renouvelés dans « France Europe Express » (France 3, Dimanche 30) face à Jack LANG, et celle de Malek BOUTIH, leur demandant de faire le ménage chez eux, leur valent d’être porté aux gémonies. Quant à la Ligue des Droits de l’Homme, son avocat n’hésite pas à parler encore de « l’influence du lobby Juif » pour expliquer l’appel du procureur dans l’affaire de boycott de Seclin (Le Figaro, 31 mars).

Que dire de cet éditorial plutôt confus de François Régis HUTIN dans Ouest-France daté du 27 mars ?: « Lors des récentes manifestations qui ont eu lieu dans notre région contre la guerre actuelle, certains ont cru être en droit d'exprimer leur hostilité envers « les Américains ». À Paris, des manifestants s'en sont pris violemment à de jeunes passants coupables de porter la kippa, coupables d'être juifs ! Nous sommes confondus par l'indignité de tels comportements. Ils doivent être condamnés avec la plus grande sévérité. On peut manifester contre une politique, contre l'action d'un gouvernement, mais pas contre les ressortissants du pays avec lequel on ne serait pas d'accord et jamais contre ceux qui, vivant dans nos cités, sont nos hôtes. Ils ont le droit de penser librement et d'être en accord ou en désaccord avec la politique de notre pays. Les ayant accueillis, nous avons le devoir de les respecter et de faire respecter le drapeau de leur pays, au lieu de leur recommander de le dissimuler. (…) Quant à ceux qui ont molesté les jeunes juifs sur les trottoirs de Paris, ils contredisent leur prétendu attachement à la légalité démocratique. Veulent-ils, pour finir, s’assimiler ainsi aux nazis de sinistre mémoire ? (…) A nos amis américains et juifs, nous disons, en ces heures difficiles, toute notre sollicitude ». Les juifs seraient-ils des étrangers en France ?


Sur RCJ dimanche, Julien DRAI est interrogé par Shlomo MALKA et Dominique LAURY Il condamne vertement les attaques antisémites, mais, dit-il « certains juifs ont tendance à oublier que nous sommes français et pas israéliens et que nous n’avons pas à défendre la politique israélienne ». Régis Hutin au moins nous autorisait à « penser librement ».

Cet article aussi de Claude ASKOLOVITCH dans le Nouvel Observateur qui après avoir dénoncé les attaques antisémites et l’attitude du CAPJPO affirme : « Certains pro-palestiniens ont sans doute des raisons d’être autistes, pris qu’ils sont par l’urgence de la situation en Palestine, et par les pressions qu’ils subissent eux-mêmes. Depuis plusieurs mois, des militants propalestiniens ont en effet été victimes d’attaques ordurières et de menaces de mort venues d’extrémistes juifs. Comme en parallèle aux exactions antisémites, une extrême droite juive s’emploie à pourrir un peu plus le climat… Mais les jeunes gens de gauche mis à mal samedi par trente voyous antijuifs n’y étaient strictement pour rien ». Est-ce à dire que l’agression aurait été plus tolérable si les agressés avaient été de droite ?