Tribune
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Publié le 10 Octobre 2013

Abolition universelle de la peine de mort, les parlementaires ont un rôle-clef à jouer

Par Laurent Fabius, Khadija Rouissiet Raphaël Chenuil-Hazan

 

Inefficace face au crime, injuste, jamais à l'abri d'erreurs et cependant irréparable, la peine de mort est un échec de la justice. Pourtant, chaque année, dans le monde entier, des milliers de femmes et d'hommes sont condamnés à la peine capitale. Au cours des dernières décennies, la peine de mort a reculé. Deux tiers des États de la planète l'ont abolie ou adopté un moratoire.

Mais des chiffres, accablants, demeurent: 58 pays l'appliquent encore et plusieurs États sont revenus récemment sur leur moratoire (l'Indonésie, le Koweït, le Nigéria...). Face à ce constat, il faut agir et unir les énergies de tous ceux, États, élus, médias, intellectuels, organisations de la société civile, militants, citoyens qui veulent faire progresser la longue lutte vers l'abolition universelle de la peine de mort.

 

En France, l'abolition a été un acte de courage de quelques hommes, puis d'un gouvernement et d'un parlement. L'histoire a retenu la date du 10 octobre 1981, jour de la publication au journal officiel de la loi portant abolition de la peine de mort, mais on passe trop souvent sous silence l'action déterminante des parlementaires, qui ont, au cours des deux siècles passés, depuis 1789, mis sans relâche l'abolition à l'ordre du jour des assemblées. Aux côtés des associations et des intellectuels, ils ont fait vivre la mobilisation contre la peine de mort et fait progresser la prise de conscience de son inhumanité.

 

Si la France a, comme une centaine d'États, aboli la peine de mort, c'est au nom d'une certaine idée de la personne humaine. Trois décennies après l'abolition, l'expérience confirme que la peine de mort n'a aucun effet dissuasif sur la criminalité. Les Français sont aujourd'hui majoritairement acquis à l'abolition. Nous continuons le combat à l'échelle mondiale. La France a fait de l'abolition une grande cause de son action extérieure et mobilise pour cela l'ensemble de son réseau diplomatique.

 

Au cœur des débats publics et des processus législatifs, les parlementaires ont un rôle capital à jouer pour faire avancer l'abolition. C'est dans cet esprit qu'a été créé, à Rabat, le 26 février dernier, le Réseau des parlementaires contre la peine de mort au Maroc (RPCPM). Rassemblant plus de 200 parlementaires de toutes les appartenances politiques, ce réseau, unique en son genre, a pour objectif de faire émerger un consensus sur l'abolition. Seule structure de ce type, elle n'a pas l'intention de le rester. Un appel international aux parlementaires du monde entier a d'ailleurs été lancé à l'occasion du 5e Congrès mondial, organisé par Ensemble contre la peine de mort (ECPM) en juin dernier à Madrid.

 

Cette semaine, une centaine de parlementaires, responsables associatifs et journalistes d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient se réunissent à Paris autour du RPCPM. Invités par l'association Ensemble contre la peine de mort, le ministère des Affaires étrangères, l'Assemblée nationale et le Sénat, ils sont venus du Maghreb et du Mashrek avec le souhait d'engager un dialogue et un travail collectifs sur la question de la peine de mort. Ils ont en commun une aspiration à la réforme, dans une région où la société civile montre une vitalité nouvelle qui dynamise le débat public. Parmi les valeurs qui unissent les deux rives de la Méditerranée figure le respect de la dignité humaine, dont l'abolition de la peine de mort est indissociable.

 

Nous savons que la route vers l'abolition est longue. Nous savons que le travail à effectuer est exigeant. Chaque situation est différente. Mais nous savons également qu'au regard de nos idéaux partagés de justice et de dignité de la personne humaine, chaque condamné à mort est un condamné de trop. C'est pourquoi nous poursuivrons le combat pour l'abolition universelle. Nous appelons tous les parlementaires des pays où la peine de mort est encore en vigueur à y prendre leur pleine part.