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Malheureusement, les conséquences de ces erreurs sont terribles. Rapidement diffusé dans le monde entier, ce reportage erroné a gravé dans la mémoire collective l’image choquante d’un enfant mourant dans les bras de son père sous une pluie d’acier. Les dégâts se sont révélés particulièrement dévastateurs dans le monde musulman où elles ont encouragé la haine et la violence.
Pour Israël, il s’agit d’un véritable revirement, car dans les jours suivant la diffusion du reportage, les officiers de l’état-major et du commandement du Front Sud avaient accepté la possibilité que des balles israéliennes aient pu accidentellement atteindre le garçon. À l’époque, alors que la deuxième intifada faisait rage dans la bande de Gaza (où les images ont été filmées), mais aussi en Cisjordanie et dans certaines zones à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël, le haut commandement de l’armée, tenant en estime Charles Enderlin et la télévision publique française, n’avait pas imaginé que de telles erreurs étaient possibles. Les propos d’Enderlin étaient donc pris pour argent comptant. Mais très rapidement, dès novembre 2000, des sources officielles israéliennes ont commencé à émettre des doutes quant à l’authenticité du reportage de France 2.
Pendant plus d’une décennie, l’attitude générale du gouvernement israélien a été de ne pas s’impliquer dans une affaire où il n’avait que des coups à prendre. Certains officiels ont espéré qu’en mettant de côté ces images, le reportage sur Mohamed al-Dura serait oublié et qu’il ne causerait plus de dégâts. Du coup, des particuliers comme Philippe Karsenty ont mené un combat quasi solitaire, affrontant l’indifférence israélienne voire parfois une franche hostilité.
Aujourd’hui, après avoir examiné de façon exhaustive les éléments liés à l’affaire al Dura, la commission constate que les faits rapportés dans le reportage de France 2 sont sans fondements. C’est désormais la position officielle du gouvernement israélien. Contrairement à ce qui est affirmé dans le commentaire du reportage, les images montrent clairement qu’à la fin des rushes de France 2, le garçon est vivant et qu’il bouge de façon délibérée. Il n’y a aucune preuve que Jamal et son fils aient été blessés. En revanche, de nombreux indices amènent à penser qu’ils n’ont reçu aucune balle. De plus, l’analyse balistique montre que les impacts de balles sur le mur, retrouvées autour des al-Dura, ne pouvaient venir de la position israélienne.
Quant aux déclarations du caméraman de France 2, Talal Abu Rahma (qui a filmé la scène, Charles Enderlin étant resté à Jérusalem), elles se sont révélées souvent contradictoires et mensongères. En dépit de tout cela, France 2 et Charles Enderlin, qui a commenté le reportage, ont refusé de reconnaître leurs erreurs. Ils ont même réaffirmé leurs accusations initiales.
Bien que tardive, l’adoption de ce rapport par le gouvernement israélien est néanmoins importante. Depuis l’automne 2000, comme me l’avait objecté un ancien garde des Sceaux, ceux qui se battaient pour rétablir la vérité dans cette affaire étaient obligés d’expliquer pourquoi le gouvernement israélien ne soutenait pas leur combat. Avant la décision de la cour d’appel dans le procès en diffamation engagé par France 2 contre Philippe Karsenty, attendu le 22 mai, c’est peut-être un premier signe que les arguments avancés depuis si longtemps tombent enfin sur des oreilles attentives.