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De l’école pour enfants juifs à Oran au village des Justes au Chambon-sur-Lignon
Contrairement à de nombreux « Pieds Noirs », Albert Camus a fait preuve d’un philosémitisme admirable tout au long de sa vie. Il a eu de nombreux amis juifs notamment Liliane Choucroun qui lui a présenté celle qui est devenue sa femme. C’est un pneumologue juif, le docteur Henri Cohen qui l’a soigné après sa rechute de sa tuberculose (1). Il a assuré à Oran, dès 1940 les fonctions d’enseignant au “ Cours Descartes créé par André Bénichou, père de Pierre Bénichou (2). Cet établissement privé accueillait des enfants juifs qui avaient été expulsés des écoles publiques françaises conformément aux dispositions abrogeant le décret Crémieux, le 7 octobre 1940. Albert Camus a du quitter en 1942 le climat humide du nord de l’Algérie pour se reposer à la "maison forte" du Panelier, à quatre kilomètres du Chambon-sur-Lignon, en Auvergne. C’est là qu’il a rencontré un de ses vieux amis d'Algérie, André Chouraqui avec lequel il a eu de nombreuses discussions à propos de l’ouvrage qu’il écrivait: « La Peste » (3). Est-ce un hasard si Camus a trouvé refuge au Chambon-sur-Lignon ? Ce petit village niché à 1000 mètres d’altitude, aux confins de la Haute-Loire et de l’Ardèche a sauvé pendant la Seconde Guerre mondiale entre 3000 et 5000 Juifs, ce qui lui valut la récompense collective et exceptionnelle de “Juste”. La présence de cet homme exceptionnel dans un lieu aussi exceptionnel a une signification symbolique qui n’échappera à personne…
L’exemplaire Israël qu'on veut détruire sous l'alibi de l'anticolonialisme
Mais surtout je voudrais rappeler l’exécration d’Albert Camus pour l’antisémitisme comme il l’a écrit dans Combat, 10 mai 1947,"On est toujours sûr de tomber, au hasard des journées, sur un Français, souvent intelligent par ailleurs, et qui vous dit que les Juifs exagèrent vraiment. Naturellement, ce Français a un ami juif qui, lui, du moins… Quant aux millions de Juifs qui ont été torturés et brûlés, l’interlocuteur n’approuve pas ces façons, loin de là. Simplement, il trouve que les Juifs exagèrent et qu’ils ont tort de se soutenir les uns les autres, même si cette solidarité leur a été enseignée par le camp de concentration."
Mais surtout avant que l’antisionisme ne fleurisse allègrement dans certains milieux intellectuels, Camus n’a pas hésité à évoquer « ses amis d'Israël » et surtout à rappeler « l'exemplaire Israël qu'on veut détruire sous l'alibi de l'anticolonialisme, mais dont nous devons défendre le droit de vivre, nous qui avons été les témoins du massacre de millions de juifs et qui trouvons juste et bon que les survivants créent la patrie que nous n'avons pas su leur donner ou leur garder » (4).
Notes :
1) Herbert R. Lottman,Albert Camus, Paris, Seuil, 1978, p 274
2) Jean Sénac, Ébauche du père, Gallimard, collection “ Blanche ”, Paris, 1989, p. 150
3) Raymond Terra. Le Bouclier de papier Publibook, 2008, p130
4) Albert Camus, Jacqueline Lévi-Valensi. Œuvres complètes 1957-1959. Gallimard, 2008 p 593