Tribune
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Publié le 12 Juin 2014

Antisémitisme, Israël : le grand malentendu

Par Joël Rubinfeld, Président de la Ligue Belge contre l’Antisémitisme, publié dans le Monde le 11 juin 2014

L'attentat contre le musée juif de Belgique confirme tragiquement la réalité de la menace de la filière djihadiste syrienne. Aujourd'hui, on sait qu'un millier d'apprentis terroristes belges et français formés à l'école du djihadisme en Syrie pourraient, en toute hypothèse, frapper à nouveau sur le sol européen. Mais là n'est pas l'unique enseignement de l'attentat antisémite perpétré le 24 mai dernier à Bruxelles.

À la Ligue belge contre l'antisémitisme (LBCA), nous avons reçu de nombreux messages de soutien, toutes confessions confondues. Cette communion dans le recueillement s'est également exprimée sur les réseaux sociaux. Toutefois, il n'est pas rare d'y trouver des messages de sympathie assortis d'un questionnement sur la responsabilité de l'État juif dans la résurgence de l'antisémitisme.

Un exemple parmi d'autres nous en est donné par Robert B. qui, suite à la publication dans le quotidien belge Le Soir du 4 juin d'une opinion de l'avocat de la LBCA Christophe Goossens, titrée «Antisémitisme : tolérance zéro», a posté sur le mur Facebook de ce dernier le message suivant: «Superbe texte. Mais, mes amis juifs et autres, osera-t-on la question suivante sans faire hurler : La politique de l'État d'Israël ne contribuerait-elle pas à nourrir cet antisémitisme au lieu de le combattre ?»

Serait-ce à dire qu'Israël, garant ultime du «Plus jamais ça», est aujourd'hui devenu, pour certains, une des causes de la résurgence de l'antisémitisme dans nos contrées ? D'aucuns diront qu'avec des amis comme Robert B., les juifs n'ont plus besoin d'ennemis. Je pense que ce serait là une erreur. D'abord parce que rien ne permet de douter de la sincérité de ce dernier. Ensuite, parce que son propos exprime une pensée largement répandue auprès de certains de nos concitoyens dont l'engagement antiraciste ne saurait être questionné.

L'antiracisme : c'est ici précisément que réside le «grand malentendu». Avant d'y venir, deux remarques préliminaires s'imposent. Primo, critiquer la politique israélienne n'est, à l'évidence, pas antisémite. Prétendre le contraire reviendrait notamment à considérer que la majorité des Israéliens sont eux-mêmes antisémites. Je dirais même qu'Israël doit être critiqué, dans la même mesure que doivent l'être toutes les démocraties afin d'en améliorer leur fonctionnement.

Secundo, cette tentative de dissiper ce « grand malentendu » ne s'adresse pas à ceux qui se cachent derrière l'antisionisme pour distiller un antisémitisme inavouable. Non, ce texte s'adresse à ceux qui, de bonne foi et sur base de mauvaises informations, participent involontairement à la diabolisation d'Israël et, ce faisant, à la banalisation de l'antisémitisme contemporain. Ces précisions faites, venons-en au « grand malentendu ».

Après les deux guerres mondiales qui, le siècle précédent, ont ravagé notre continent, l'Europe a salutairement développé un mécanisme éducatif – l'antiracisme – pour prévenir la répétition des tragédies passées. Dans ce mécanisme, le mal absolu est incarné par une personne, Adolf Hitler, et par un régime, le Troisième Reich. Dès lors, tout ce qui s'apparenterait au nazisme et à ses complices – les collabos – doit être combattu sans merci. Aucun compromis, aucune paix n'est possible avec le nazisme : il doit être éradiqué.

Ici rentrent en jeu les crypto-antisémites qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ont substitué l'État juif à l'individu juif et se sont, depuis, ingéniés à contaminer les esprits des véritables antiracistes en nazifiant Israël, en faisant des anciennes victimes les nouveaux bourreaux. Pour y parvenir, ils réservent leur « indignation » à l'unique démocratie (selon nos critères européens) du Moyen-Orient. C'est en effet « au nom de l'antiracisme » que ceux-ci condamnent sans relâche les moindres faits et gestes d'Israël et font la promotion de son boycott – on soulignera au passage la troublante coïncidence qui veut que, parmi les quelque 200 États membres que compte l'ONU, le seul pays soumis à cette menace est également le seul État juif de cette Assemblée… Lire la suite.