Tribune
|
Publié le 28 Janvier 2014

Après "jour de colère", si on réenchantait la politique pour dépasser les haines?

Tribune de Jérôme Guedj, Député PS et Président du Conseil général de l'Essonne, publiée dans le Huffington Post le 27 janvier 2014

 

Notre pays ne va pas si mal que certains ne l'affirment, mais personne ne pourra se réjouir de l'état actuel des tensions qui fracturent la France. Enième symptôme de notre échec collectif à reprendre goût à la construction démocratique d'un destin commun : le rassemblement hétéroclite et violent des diverses factions de l'ultra-droite, hier, à Paris. Elle fait suite au spectacle navrant de "l'affaire Dieudonné", de la manif pour tous où toutes les imbécilités que peut produire la haine de l'autre ont été dites. Souvenons-nous de cette enfant de douze ans éduquée dans "la haine pour tous" criant devant les caméras "C'est pour qui la banane ? C'est pour la guenon", en parlant de notre Olympe de gauche, Christiane Taubira. Suite logique d'une radicalisation de la droite portée à son pinacle entre les deux tours de l'élection présidentielle, charriant toujours plus de nouveaux électeurs au Front national. Les paroles de haine se libèrent depuis quelques années. Ce qui est insupportable doit être combattu. "Dura lex, sed lex", la réponse de Manuel Valls était la bonne au sujet du spectacle "le mur". Mais cela ne sera pas suffisant. Il faut retrouver les voies du dialogue civilisé, de la controverse raisonnable, bref, faire le pari de l'intelligence collective pour s'en sortir par le haut. Trouver des réponses politiques pour faire honneur à la politique.

Les renoncements de la droite

 

La stagnation économique, la paupérisation croissante des classes moyennes, le sentiment d'abandon dans des franges de plus en plus larges de la population, les inquiétudes des parents sur le futur des jeunes générations ont rompu dans trop d'esprits la confiance en l'avenir et en ceux qui ont à charge de le dessiner : les politiques. À cela ajoutez l'exaspérant discours sur le recul de la France, le pilonnage idéologique sur les vertus de la baisse de la dépense - donc des investissements - publics, la morgue d'une certaine élite accusant la France, leur pays, de tous les maux, et vous avez, rapidement, dressé le cadre anxiogène et peu engageant dans lequel le débat public se déroule actuellement.

 

L'extrême droite en a toujours fait son terreau, elle y est à l'aise comme un poisson dans l'eau, dénonçant sans distinction ni subtilité aucune toutes les "anti-France" au doigt mouillé : étrangers, immigrés, enfants d'immigrés, classe politique en général, Europe, etc. Sa récente conversion tactique, dans un objectif de "dédiabolisation", aux thèmes du social ou de la laïcité n'y change rien, le programme reste celui de la recherche de boucs émissaires et de la guerre de tous contre tous.

 

La droite est plus que jamais fracturée, subissant, du fait de sa défaite en 2012, avec une plus grande intensité que les autres, la crise politique que nous traversons. La guerre fratricide à laquelle s'est livré l'UMP lors de son dernier congrès n'était qu'un écho des divergences quant à la stratégie à adopter face au front national, après le constat fait au second tour des législatives d'une fusion d'une grande partie des électorats de droite et d'extrême droite. La proposition par l'UMP il y a quelques mois de remettre en cause le droit du sol, pour ahurissante qu'elle fût, relevait de cette logique… Lire la suite.