Tribune
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Publié le 9 Juillet 2014

Bernard Cazeneuve : «Contre le terrorisme, il faut l'unité nationale»

Propos recueillis par Jean-Marc Leclerc et Jean-Baptiste Isaac, publié dans le Figaro le 8 juillet 2014

Le Ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, déposera ce 9 juillet en Conseil des Ministres son projet de loi antiterroriste. Il répond aux questions du Figaro.

Comment définiriez-vous aujourd'hui la menace terroriste djihadiste?

Bernard Cazeneuve : Cette menace est extrêmement sérieuse. Elle peut être maîtrisée mais elle suppose une mobilisation de toutes les forces politiques du pays. Nous touchons à une question de fond: trouver le juste équilibre entre la protection et la liberté. Sur cette question essentielle, Il faut l'unité nationale.

Une nouvelle loi antiterroriste, est-ce vraiment indispensable?

C'est la condition de l'efficacité. En matière antiterroriste, zéro précaution vous assure 100 % des risques, mais malheureusement même 100 % de précautions ne garantissent pas le risque zéro. Je défendrai un texte efficace, court, visant des objectifs précis et discuté rapidement au Parlement. L'examen en commission des lois aura lieu dans quelques jours.

Votre objectif est d'intercepter plus tôt les terroristes en puissance?

Nous pourrons, c'est certain, mieux contrer les projets individuels terroristes. J'ai beaucoup consulté et reçu des magistrats spécialisés. Il m'est apparu que la classique incrimination d'association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes couvrait la plus grande partie des cas relevant de l'engagement djihadiste. Mais il existe aujourd'hui des situations où des individus isolés, rencontrant la violence sur Internet, à travers la consultation de sites, peuvent être incités à fomenter eux-mêmes des attentats, sans être pour autant en lien avec d'autres acteurs du terrorisme. Or, un vide juridique rendait incertaines les poursuites pénales contre ce type de profils. Nous allons donc combler cette faille.

De quelle manière?

Il faut prévenir l'acte lui-même. Et d'abord faire en sorte que des ressortissants français ne puissent pas fréquenter la violence et la barbarie sur le théâtre des opérations djihadistes en Syrie ou en Irak. Les récits de ceux qui sont revenus attestent que les décapitations, les crucifixions, les exécutions en masse détruisent la psychologie de ceux qui sont engagés dans ces groupes. Leur retour en France ensuite devient un danger. Donc, il faut empêcher les départs.

Comment?

D'abord en créant une interdiction de sortie administrative du territoire pour les majeurs lorsqu'il existe un faisceau d'éléments permettant de penser que leur déplacement a une finalité terroriste. Pour les mineurs, nous veillons déjà à ce que les jeunes qui nous sont signalés par les parents via le numéro vert que j'ai mis en place puissent faire l'objet d'une interdiction de sortie du territoire. Cette mesure, pour être efficace, est assortie d'une inscription dans le fichier des personnes recherchées en France et dans le système d'information Schengen qui le complète au plan européen. Nous ne rétablirons pas l'interdiction générale qui existait autrefois pour les mineurs… Lire la suite.