Tribune
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Publié le 9 Mai 2014

Boycott d’Israël : illégal et illégitime

Par Michaël Ghnassia, Avocat ; Marc Knobel, Historien, Chercheur et Directeur des Etudes du CRIF ; Joël Kotek, Historien ; Pascal Markowicz, Avocat ; Jean-Philippe Moinet, Journaliste ; Jacques Tarnero, Essayiste et Documentariste ; Pierre-André Taguieff, Philosophe

Une tribune publiée le 18 avril dans Libération, signée notamment de Rony Brauman, dénonce les mesures sanctionnant l’appel au boycott d’Israël. En estimant que le boycott est légitime pour lutter contre «l’apartheid» supposé régner dans ce pays, ses signataires, si soucieux de justice, dissimulent, sous un argumentaire juridique parfaitement erroné, un projet politique beaucoup moins honorable. 

Outre le fait qu’on ne saurait prétendre qu’Israël appliquerait un quelconque apartheid à l’égard des minorités composant le pays (par exemple : trois partis arabes sont représentés au Parlement, des membres du gouvernement et des magistrats sont issus des minorités druzes ou arabes, etc.- ce qui n’était absolument pas le cas en Afrique du Sud), cet odieux amalgame vise à dénier à Israël sa légitimité à exister en tant qu’Etat, afin de justifier son excommunication de la communauté des nations.

Le boycott d’Israël se fonde sur l’idée que ce pays occupe des territoires qui ne lui appartiennent pas, qu’il les colonise et en tire indument profit sur le modèle d’une pratique coloniale.

Ce point mérite un retour en arrière. L’ONU avait décidé, en 1947, d’un plan de partage de la Palestine mandataire entre un Etat juif et un Etat arabe. Les Juifs acceptèrent l’idée et les Arabes la refusèrent. Israël est né de cette acceptation tandis que l’errance des populations arabes d’origine palestinienne est née de ce refus. Les frontières d’Israël ont été établies sur les lignes de cessez-le-feu résultant des divers affrontements armés avec ses voisins.

S’agissant de la législation française, les auteurs omettent d’indiquer que le boycott, tel qu’il est pratiqué par les membres de la campagne BDS («Boycott, Désinvestissements, Sanctions»), est illégal, dès lors qu’il est fondé sur un motif discriminatoire. Ainsi, de nombreuses juridictions françaises, y compris la Cour de cassation, ont sanctionné ceux qui appellent au boycott de produits israéliens, mais aussi ceux qui refusent de commercer avec des entreprises israéliennes ou vident les rayons des supermarchés des produits israéliens. Ces opérations illégales ne sont d’ailleurs pas sans rappeler le boycott des magasins juifs en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale, lorsque ceux-ci étaient assimilés au Mal absolu.

Bien sûr, les boycotteurs qui prétendent soutenir la cause palestinienne - alors qu’en réalité ils la desservent - se défendent d’un quelconque antisémitisme. Mais, il n’est pas rare de constater que cette campagne est relayée par des sites notoirement antisémites ou qu’elle s’accompagne de dérapages antisémites. Ainsi, sous un «Manifeste des 2 000» personnalités soutenant la campagne BDS, un internaute a pu écrire : «Vite, ramenez les étoiles jaunes et les pyjamas rayés, après les produits, on va boycotter les Juifs.» La haine incontrôlée d’Israël entraîne inévitablement la haine des Juifs. Alors oui, cette campagne permet à certains de dissimuler leur antisémitisme. C’est là un constat, et non pas un amalgame ou une vue de l’esprit.

Les juges français ont également décidé qu’une telle campagne de boycott était indissociable d’appels à la haine ou à la violence à l’encontre des Israéliens, comme dans cette vidéo publiée sur le site EuroPalestine dans laquelle un homme s’exprimait ainsi : «En achetant ces produits, vous soutenez l’armée israélienne à tuer les enfants des Palestiniens ; […] vous devez arrêter d’acheter les produits israéliens, chacun équivaut à une balle qui va tuer un enfant en Palestine.»

La circulaire «Alliot-Marie» a donc toute sa place pour soutenir les dispositions légales qui punissent l’appel au boycott d’Israël. Et qu’on ne nous parle pas d’atteinte à la liberté d’expression, ce principe fondamental de notre république auquel nous tenons tous. La Cour européenne des droits de l’homme avait d’ailleurs décidé qu’un prévenu ayant appelé au boycott de produits israéliens n’avait pas été condamné pour ses opinions politiques, mais bien pour une incitation à un acte discriminatoire, de ce fait condamnable.

Tout citoyen peut critiquer un gouvernement, quel qu’il soit : c’est la liberté d’expression. Mais l’appel au boycott des produits israéliens ne rentre pas dans le cadre de cette critique, car il a notamment pour conséquence d’atteindre les citoyens du pays dont le gouvernement est critiqué. La liberté d’expression doit s’arrêter là où la discrimination commence et c’est en cela que les poursuites engagées et les condamnations prononcées sont justifiées.