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Le terrorisme a baissé, mais il y a moins de Palestiniens en Israël, moins de travailleurs sur le marché. Pire, toute une génération d’Arabes a grandi sans savoir ce qu’est l’État d’Israël, sans avoir rencontré un seul Israélien. On aperçoit de temps à autre quelques jeunes hommes de Ramallah qui viennent voir la plage et y passer quelques heures, mais ce spectacle est de plus en plus rare. Lors d’une balade dans cette ville qui ne dort pas, qui ne s’arrête pas, une boule d’énergie où chaque quartier est une ruche, chaque rue une aventure, un ami médecin installé ici depuis peu, me glisse : « Vous imaginez à quoi pourrait ressembler cette ville s’il y avait la paix ? Le nombre de touristes serait multiplié par trois ! »
Herzliya. À l’entrée de cette cité coquette qui porte le nom de l’illustre théoricien de l’État juif, un centre interdisciplinaire s’étale sur un campus à l’américaine. Des sculptures d’art contemporain tapissent un gazon éclaboussé de soleil. Le centre accueille des facultés spécialisées dans les relations internationales et dans la communication. De jeunes étudiants munis d’une caméra et d’un prompteur enregistrent en plein air un dialogue pour le lancement d’un site web consacré aux relations intergénérationnelles. L’innovation, l’inventivité, l’imagination sont palpables et fonctionnent à plein volume. Daphna Richemond qui me reçoit et me fait visiter les lieux est originaire de France. Elle enseigne ici les relations internationales et l’histoire de la guerre. Nous parlons de l’actualité. La découverte d’armes chimiques en Syrie. L’annonce par la Ligue arabe d’un accord de principe pour une solution de paix, avec retour aux frontières de 1967, mais avec un échange possible de territoires.
Est-il trop tard pour une solution à deux États ? Certains commencent à le penser. Mais pour les uns, c’est une aubaine et pour les autres un gâchis.
C’est un peu comme pour Oslo. Tout le monde s’accorde pour dire que c’est un échec. Les uns pour le déplorer, d’autres pour s’en réjouir, et d’autres encore pour estimer que si l’histoire repasse rarement les plats, elle avance parfois par des revers, par des faux-pas et par des ratés.
Car au bout du compte, pourquoi faudrait-il rougir aujourd’hui d’y avoir cru ? Quel intérêt y aurait-il à se pousser du col en claironnant qu’on avait tout prévu ? Et pourquoi aurait-il fallu mesurer à l’époque son soutien et refuser de donner leur chance à des accords négociés dans le plus grand secret entre les principaux protagonistes et annoncés comme une promesse arrachée à près d’un siècle d’hostilité ?
Alors, oui, Oslo est un non-succès, c’est le moins qu’on puisse dire. Une illusion ravageuse. Une immense déconvenue. Un rêve fracassé. Avec le recul, l’euphorie du moment paraît excessive, apprêtée, inopportune. Il n’y avait pas lieu de pavoiser, c’est une évidence.
Mais une fois qu’on a dit cela, on m’autorisera trois observations. La première, c’est que le clivage n’oppose pas les croyants et les agnostiques en la matière. Il sépare ceux qui s’accommodent ou se réjouissent de cet échec et ceux qui s’en attristent. La seconde, c’est que les acquis d’Oslo ne sont pas minces, quoi qu’on en dise. Si l’opinion israélienne se retrouve aujourd’hui, dans sa grande majorité, favorable à un État palestinien, si une large partie de la classe politique – droite et gauche confondues – est désormais ralliée à cette idée, s’il existe quelques zones de coopération entre services de sécurité, c’est aussi grâce à Oslo. Enfin, l’histoire n’écrit pas droit. Il arrive qu’elle zigzague, qu’elle hésite, qu’elle recule, qu’elle se plante ou qu’elle passe par des chemins de traverse.
Oslo fut un échec, mais il a existé. Et ceux qui voudraient en gommer tous les apports et jusqu’à son existence même, comme ceux qui s’en vont clamant que le conflit est éternel, qu’il n’a pas de solution ni de fin – ce sont les mêmes – seront bien forcés de reconnaître qu’il a laissé des traces.