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Françoise Seligmann n'avait pas grand-chose pour elle. Elle n'était pas l'auteur d'un opuscule devenu un succès planétaire tiré à 4 millions d'exemplaires. Elle ne se rendait pas en pèlerinage permanent à Gaza. Elle n'était pas non plus une icône de référence des altermondialistes en guerre contre le grand capital.
Françoise Seligmann n'était que ce qu'elle était. Juste une femme admirable. Très jeune elle s'était engagée dans la Résistance. A ses risques et périls comme on a coutume de dire. Une formule un peu vide de sens pour une Juive qui, en ces années-là, était de toute façon une morte en sursis. Tout comme l'étaient les petits Juifs qu'elle convoya clandestinement vers la Suisse où les enfants fuyaient non pas pour se goinfrer deToblerone mais pour échapper aux chambres à gaz. Elle fut après la guerre une des plus proches collaboratrices de Camus. Puis de Pierre Mendès France. Puis, ce dernier ayant échoué, elle rallia Mitterrand et devint sénatrice PS.
Une fondation antiraciste porte son nom et distribue des bourses aux enfants des cités. Ceux du 93, ceux des quartiers nord de Marseille, ceux d'Amiens… Ça fait moins parler que Gaza. De toute façon, Françoise Seligmann ne savait rien faire qui puisse donner de la matière aux trompettes de la renommée. De surcroît –manque de goût, manque de chance ?- elle s'est arrangée pour mourir le même jour que Stéphane Hessel.
Françoise Seligmann a vécu sous l'occupation nazie. Elle a vu les affiches avec les noms des résistants fusillés. Elle a vu l'étoile jaune cousue sur les vêtements. Elle a vu les rafles de Juifs envoyés à Auschwitz. Et, plus récemment, elle du lire un entretien accordé par le vieux monsieur à un journal allemand. Et, elle qui avait tout vu et tout su, a ainsi appris que l'occupation nazie était relativement anodine comparée à "l'occupation israélienne en Cisjordanie". Et que tout n'était pas si noir à cette époque puisqu'on "jouait les pièces de Sartre et de Camus"...