Tribune
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Publié le 30 Avril 2012

CRIF : les imprécations de Claude Askolovitch - misère de l’antifascisme de pacotille

Claude Askolovitch est un journaliste en vue dans le microcosme. Grand reporter au Point après avoir éditorialisé au Journal du dimanche et fait ses classes au Nouvel Obs, il ne manque pas d’espace pour s’exprimer, d’autant plus qu’il est fréquemment invité dans divers talk-shows à la radio ou à la télé. Cette notoriété, qu’il doit à son talent et son entregent, devrait l’inciter à mesurer ses propos, et à ne manier l’insulte qu’avec d’infinies précautions et surtout lorsqu’il y a vraiment matière à s’indigner.

La charge au bazooka contre le président du CRIF Richard Prasquier publiée par Marianne2.fr se veut inspirée par la bonne conscience d’un antifascisme de bon aloi, mais s’exprime dans une forme que n’auraient pas reniée les polémistes antisémites du Gringoire des années 30. Le titre d’abord : « La morale du CRIF s’arrête aux portes du ghetto ». On peut tout à fait, en tant que juif, être en désaccord avec les prises de position du CRIF, ne pas se sentir représenté par lui et le clamer haut et fort. Nombreux sont ceux qui font un usage immodéré cette possibilité, et trouvent sans difficulté des médias complaisants pour les relayer, en dépit de leur statut ultra-minoritaire parmi les juifs de France. Mais ramener au « ghetto » et à toutes les images dévalorisantes attachées à ce concept l’organisation de représentation politique du judaïsme français, pluraliste et divers dans toutes ses instances est une insulte à la raison et au bon sens. Qu’aurait pensé Askolovitch de quelqu’un qui aurait écrit que « la morale de l’UOIF s’arrête aux portes de la casbah » ?

 

Le ghetto obsède tellement notre imprécateur qu’il y revient en conclusion pour affirmer qu’il abrite aujourd’hui des « salauds », dont Richard Prasquier serait le chef de file. Rien de moins. Cette fureur est d’autant moins admissible que, de l’aveu même d’Askolovitch, elle ne dénonce pas le président du CRIF sur ce qu’il dit, mais sur ce qu’il ne dit pas. L’imprécateur aurait souhaité que Richard Prasquier sonne, pour le public israélien, le tocsin antifasciste et partage son diagnostic sur une « France malade » accordant 18% des voix à Marine Le Pen. Ne pas obéir à l’injonction d’Askolovitch fait de vous ipso facto un complice du FN, donc un salaud, sartrien peut-être, c’est plus chic, mais cela revient au même.

 

L’objet de la tribune sollicitée par le quotidien de gauche israélien Haaretz se limitait à demander au président du CRIF les conséquences de la victoire au second tour de l’un ou de l’autre candidat sur les relations du pouvoir avec le judaïsme français et sur la politique de la France vis-à-vis du conflit du Proche-Orient. On pourra vérifier, en lisant cet article qu’il n’est en rien un brevet d’honorabilité accordé à Marine Le Pen.

 

Claude Askolovitch, présenté par Marianne2.fr comme un « bon connaisseur des institutions juives » ne peut donc ignorer que, depuis son accession à la tête du CRIF, Prasquier a fermement maintenu l’ostracisme que cette institution fait peser sur le FN, alors que quelques voix, dans les instances dirigeantes de la communauté, s’étaient élevées pour y mettre fin à la suite de la reconnaissance, par Marine Le Pen, de la Shoah comme « le summum de la barbarie ». Il n’a pu également lui échapper qu’au lendemain du drame de Toulouse, c’est lui qui, sur le perron de L’Élysée en compagnie du Grand Rabbin Gilles Bernheim et du recteur de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur, lançait un appel exhortant les Français de toutes confessions à ne pas faire d’amalgame entre Mohamed Merah et l’ensemble des musulmans de France. Et c’est cet homme que l’on voudrait clouer au pilori comme fourrier du discours lepéniste dans la communauté juive ! Askolovitch se pare au détriment d’un homme d’honneur, et au mépris de la vérité, d’une vertu antifasciste de pacotille aussi intempestive que dérisoire.