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Tout comme en 2012 à Saint-Pétersbourg (Russie), où la Palestine avait fini par recevoir l’église de la Nativité à Bethléem, cette fois encore, les experts de l’Icomos (Conseil international des monuments et des sites) à l’UNESCO ont d’abord rejeté la prétention palestinienne à « la valeur universelle exceptionnelle » de Battir, ainsi que les raisons de son inscription « par mesure d’urgence ».
Battir est aussi connu en arabe sous le nom de « Khirbet al-Yahud » (« la Ruine des Juifs ») et en hébreu sous le nom de Beitar (le site de la révolte de Bar Kokhba, en l’an 135 de notre ère, contre Rome).
Présentée par le Liban au Qatar, pays hôte de la 38e session du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO où siègent 21 États membres, la décision des experts a été renversée par une série d’intervenants propalestiniens : l’Algérie, l’Inde, le Kazakhstan, la Malaisie et le Pérou.
Le site, qui dépasse la ligne verte de plus de 30 % en territoire israélien, a été inscrit sous le label « Palestine : terre des oliviers et des vignes – paysage culturel du sud de Jérusalem, Battir, Palestine », laissant ainsi ses frontières indéfinies et probablement ouvertes à une extension lors de futures sessions.
Telle qu’elle se présente aujourd’hui, la liste officielle des souhaits palestiniens d’inscription inclut : Jéricho, Hébron, Shechem (Naplouse), le mont Gerizim des Samaritains et les grottes de Qumran avec les manuscrits de la mer Morte.
La stratégie « d’urgence » définit les sites palestiniens comme cibles de violations israéliennes qui doivent être défendus par la communauté internationale. Le chef de la délégation israélienne a protesté : « Il y a une voie pour les Palestiniens – « urgence/en péril », et une procédure normale pour tous les autres pays. » Sheikha Al Mayassa, Présidente du Comité, loin de toute objectivité, a demandé ironiquement si « l’État Palestine n’était pas une urgence en soi ».
Israël a répondu que ce vote était « un jour noir pour l’UNESCO et un pas de plus dans la compromission du Comité du patrimoine mondial ».
Des membres sympathisants m’ont avisé qu’« on peut comparer le rejet par l’Icomos de la candidature de la Palestine avec la situation de la France concernant le site volcanique de la chaîne des Puys », laissant ainsi entendre un échange de votes de style Eurovision. En effet, des séries de déclarations en faveur de la France et outrepassant le rejet des conseillers experts ont suivi le modèle du vote palestinien. Les États qui ont publiquement refusé d’entrer dans la danse étaient l’Allemagne, la Finlande et la Pologne. L’ambassadeur de France a déclaré, dans une rebuffade publique et peu diplomatique : « Avec des amis comme l’Allemagne, on n’a pas besoin d’avoir des ennemis. »
Le lendemain, la balance a penché de l’autre côté, quand Israël a obtenu l’inscription des grottes de Maresha et de Beit-Guvrin. Ceci, après des années de refus d’inscrire Tel Dan, refus lié aux revendications syriennes du territoire israélien contigu au Golan au-delà de la ligne verte et en 2011 un report de Beit-Guvrin – malgré la tentative renouvelée du Liban de sabotage, cette fois-ci encore.
Les Européens, rejoints par la Colombie, l’Inde, la Jamaïque, le Japon, le Vietnam et même la Malaisie et la Turquie – pays musulmans –, ont soutenu la candidature d’Israël. La Présidente qatarie a félicité à contrecœur « l’État membre », ses lèvres ne se résignant pas à prononcer « l’État d’Israël ». Le jeune chef de la délégation israélienne, Shuli Davidovich, a allégrement invité tous les membres du Comité du patrimoine mondial à visiter le site, car « la Terre d’Israël est la mémoire vivante de l’Histoire et un présent vibrant ».
Mais la joie a été étouffée dans l’œuf, car l’ordre du jour avançait inexorablement vers la résolution conjointe, en suspens, de la Jordanie et de la Palestine sur « la Vieille Ville de Jérusalem et ses remparts sur la liste du Patrimoine mondial en péril ».
Après un lobbying intensif, l’Algérie et le Liban ont proposé un document réécrit avec des pincettes, qui a été accepté sans débat au bulletin secret et à une majorité simple de 12 à 1 et 8 abstentions.
Les Palestiniens ont plaidé pour « la sauvegarde de l’authenticité, de l’intégrité et de l’héritage culturel de la Vieille Ville de Jérusalem des deux côtés de ses remparts » et ont spécialement dénoncé « sa judaïsation par des colons religieux ».
La Jordanie a prétendu que les fouilles israéliennes « ébranlent le traité de paix avec la Jordanie » et a exhorté le Comité à agir contre « les projets israéliens de détruire Al-Aqsa et de faire disparaître le caractère islamique et byzantin de la ville ».
Le Canada a déploré « l’adoption partiale et injuste de cette résolution et le traitement spécial inadmissible réservé à Israël au sein du Comité du patrimoine mondial ».
L’Algérie a appelé cette résolution « une sonnette d’alarme pour le système de suivi exercé par l’UNESCO, étant donné que Jérusalem est en danger ».
La Palestine a conclu en exigeant que « l’UNESCO évalue Haram es Sharif, que les Juifs ont appelé “le mont du Temple”, la Citadelle, le Mur occidental, le Saint-Sépulcre et les remparts de la ville ».
La voie engagée au Qatar, de Beitar à Jérusalem, présage une multitude d’autres usurpations d’identité érosives de l’histoire des Juifs et des Chrétiens en Terre sainte.
Il est par ailleurs intéressant de remarquer que la question de Battir a été avalisée par de scabreux Juifs antisionistes de la diaspora, au nombre desquels Neve Gordon, Ilan Pappe, Stephen Rosenbaum et Eyal Weizman.
En tant que représentant de la seule organisation juive sioniste accréditée au Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, je me souviens de ce délégué indien, qui m’avait demandé : « à quel bloc de langues appartenez-vous : anglophone, francophone, espagnol, arabe, russophone ? »
Ma réponse a été, bien sûr : « le bloc de la langue hébraïque ? »
Comble de l’ironie du sort, une semaine avant Doha – après un ajournement dû à la pression arabe –, nous avions enfin inauguré notre exposition au siège parisien de l’UNESCO, « Le Peuple, le Livre, la Terre : 3 500 de relations entre le peuple juif et la Terre sainte ». Une semaine plus tard donc, dans l’arène du Patrimoine mondial de l’UNESCO en session au Qatar, l’authenticité et l’intégrité du patrimoine juif se trouvaient une nouvelle fois sur la sellette.
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