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Dieudonné M’bala M’bala – l’homme qui a inventé le très polémique salut de la “quenelle” repris par le footballeur Nicolas Anelka [joueur au West Bromwich Albion] – a débuté avec un peu de retard sa tournée 2014 dans les villes de l’Hexagone. Son nouveau spectacle [Asu Zoa] remplace celui qui a été interdit le 9 janvier par les autorités françaises [Le Mur] pour incitation à la haine raciale contre les Juifs.
La nouvelle version est pratiquement identique à l’ancienne, à ceci près que les sorties antisémites provocantes ont été supprimées et remplacées par de longs silences que le public applaudit avec une indignation passionnée.Noir, baraqué, barbu, dégarni et parfois drôle, Dieudonné impose sa présence sur scène. “Qu’est-ce que vous foutez là ? lance-t-il à la foule. Tous les médias, les politiques, les penseurs vous ont dit de ne pas venir. Même moi, j’ai failli pas venir. Il paraît que vous seriez des fous, antisémites, assassins.”
Le spectacle se tient [le 26 janvier] à la patinoire Mériadeck de Bordeaux – ce qui, pour un homme qui évolue depuis près de dix ans sur un terrain politique et moral pour le moins glissant, ne manque pas de sel. Avec environ 5 000 spectateurs – des hommes, pour la plupart –, la salle est pratiquement comble. Il y a surtout des Blancs de la classe ouvrière. On aperçoit une poignée de personnes âgées et quelques étudiants, mais la moyenne d’âge se situe plutôt entre 30 et 40 ans. C’est un public différent du public parisien de Dieudonné, dominé par des bobos d’extrême gauche, acquis aux thèses conspirationnistes.
Signal. Moitié breton, moitié camerounais, Dieudonné est né en banlieue parisienne il y a 47 ans. Il s’est fait connaître comme comique antiraciste impertinent dans le duo qu’il formait avec l’humoriste juif Élie Semoun (l’un des noms sifflés au spectacle de Bordeaux). Il a tenu des petits rôles dans plusieurs films, comme Astérix et Cléopâtre. À la scène comme à la ville, il faisait alors campagne contre le racisme et se définissait comme un Noir qui refusait de “danser le zouk avec une banane dans le cul”.
À partir de 2004 environ, pour des raisons qu’il n’a jamais expliquées, il s’est métamorphosé en une version française de Louis Farrakhan, le très controversé dirigeant de l’organisation noire américaine [religieuse et nationaliste] Nation of Islam.
Sur scène, il s’amuse parfois à imiter l’accent black, qui plaît beaucoup à son public bordelais. Le reste du temps, il s’exprime avec un débit rapide dans le français argotique et populaire du café du Commerce, que son public bordelais adore.
Lorsqu’il en arrive à un passage de l’ancien scénario frappé d’interdiction, Dieudonné marque une pause et esquisse un grand sourire ou, plus drôle, fixe d’un œil méfiant la “caméra cachée” qu’“ils” ont planquée dans son pupitre. [La préfecture de la Gironde a effectivement enregistré le spectacle.]
Grâce à YouTube, ses fans connaissent par cœur la réplique qu’il est censé prononcer – ou pas – à cet instant. Ainsi, au lieu de dire “Je n’ai pas à choisir entre les Juifs et les nazis. Je suis neutre”, il se tait, affectant un petit air innocent et entendu. C’est le signal : la salle applaudit à tout rompre et s’esclaffe… Lire la suite.
Note :
Lundi 3 février, Dieudonné a été interdit d’entrée du Royaume-Uni. Le comédien aurait eu l’intention de se rendre outre-Manche pour soutenir Anelka, qui fait l’objet de poursuites de la part de la Fédération anglaise de foot.