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Le Front national, c'était un chef entendu au niveau national, mais quasiment sans relais locaux. Capable de créer la surprise à l'élection présidentielle, mais incapable de prendre pied dans les assemblées territoriales. Et pas uniquement en raison d'un mode de scrutin qui lui est défavorable. Le 0,97 % de 2008 s'expliquait par l'absence pure et simple de listes dans un très grand nombre de villes. Faute de vocations.
En mars prochain, le Front national ne sera pas forcément présent partout, mais trouver des candidats n'est plus nécessairement un problème pour lui.
À cette nationalisation de sa représentation s'ajoute une modification du comportement électoral des Français. Jusqu'ici, une même personne pouvait voter FN à un scrutin national, pour faire entendre une protestation, mais ne même pas avoir idée de voter FN à un scrutin local, estimant son discours inadapté à des enjeux de proximité. Le parti lepéniste était légitimé comme puissance protestataire et ignoré comme force gestionnaire. C'est cet écart qui est en train de se résorber. En 2008, le FN n'obtenait que le dixième du score, pourtant déjà faible, réalisé un an plus tôt par Jean-Marie Le Pen à la présidentielle.
En 2014, selon notre sondage, il obtiendrait en gros le même score que celui, pourtant déjà élevé, de Marine Le Pen à la dernière présidentielle.
Troisième facteur, enfin: une évolution de la sociologie du Front national. Après s'être installé dans le paysage politique, le FN a progressé en deux temps. Dans les années 1990, en conquérant des «parts de marché» dans les milieux populaires. Dans les années 2000, en attirant les électeurs des zones rurales, puis des secteurs périurbains. Mais, jusqu'ici, les grandes villes, en particulier de plus de 100 000 habitants, restaient étrangères, allergiques même, au parti lepéniste.
En 2008, il avait obtenu moins de 3 % à Bordeaux et à peine plus de 4 % au Havre, par exemple. À Paris, il avait dû se contenter de 3,17 % ; un sondage Ifop lui en promet 8 % aujourd'hui. Et même à Marseille, il avait plafonné à 8,8 % il y a six ans ; les sondages lui en promettent le triple aujourd'hui. La nouveauté des municipales de 2014 pourrait donc être de voir le Front national devenir fort également dans les grandes villes.
Avec 16 %, il reste certes loin de l'UMP et du PS. Mais cela signifie qu'il devrait être en situation de se maintenir au second tour dans un très grand nombre de villes moyennes ou grandes. Peut-être une majorité d'entre elles. Et ce sont ces triangulaires qui rendent plus incertain que jamais le verdict de ces élections municipales. Les mécanismes d'alternance ne seront plus aussi mécaniques que par le passé. Dans un match à trois, tout devient possible. Pour le PS et l'UMP, cette nouvelle inconnue pourrait virer au supplice.