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Comment en arrive-t-on à cette bizarrerie linguistique, autant que juridique, de territoires contestés ? Par quels détours de l’histoire Israël se retrouve-t-il à construire des habitations (comme dans la zone E1) sous le feu de critiques provenant de ses alliés mêmes ? Enfin, pourquoi la Judée-Samarie, ou Cisjordanie, est contestée juridiquement, et pourquoi Israël y construit ?
Pour comprendre cela, il n’existe d’autre choix que de suivre l’histoire depuis la chute de l’ancien grand propriétaire de la région : l’Empire ottoman. « Après la Première Guerre mondiale, le Traité de Sèvres et la Société des Nations ont divisé les propriétés ottomanes en mandats», explique Emmanuel Navon (carte 1).
À la France revient la gestion d’une zone comprenant à peu près la Syrie et le Liban. À la Grande-Bretagne, un territoire englobant Israël et la Jordanie actuelle. « La Grande-Bretagne a divisé son mandat sur la Palestine en deux, suivant l’axe du Jourdain », à l’ouest une région qui deviendra Israël, à l’est le nouveau Royaume hachémite de Jordanie créé en 1922. « Quand la Grande-Bretagne a décidé de partir, cela a créé un vide juridique puisque seul Israël a déclaré son indépendance». L’État arabe défini par le plan de partage n’a jamais vu le jour, puisqu’une coalition de pays arabes a refusé ce plan et tenté de détruire l’Israël embryonnaire. « De plus, ajoute le professeur Navon, le plan de partage contenu dans la résolution 181 n’était pas exécutoire. C’est une recommandation qui n’a pas force de loi ».
«La Jordanie a renoncé à la souveraineté sur la Cisjordanie»
Après la guerre d’Indépendance en 1949 (carte 2), la Jordanie a annexé la rive occidentale du Jourdain et la vieille ville de Jérusalem, l’appelant Cisjordanie. « Ces lignes d’armistice n’étaient pas des frontières. Cette annexion n’a été reconnue que par la Grande-Bretagne et le Pakistan », explique-t-il. Ce terrain devant initialement revenir aux Arabes, mais que ceux-ci ont refusé, reste juridiquement dans le flou.
Après cette guerre, les nouvelles frontières sont définies par les axes où les deux armées ont cessé de combattre. Ce sont des lignes d’armistice qui n’ont pas force de loi. Lorsqu’Israël en juillet 1967, après la guerre des Six Jours (carte 3) conquiert la Cisjordanie, reprenant Jérusalem et les territoires aujourd’hui dit « disputés » dont E1 (Carte 4), elle ne prend donc pas ce territoire à un État souverain (la Jordanie) ou une partie d’un État souverain.
C’est pourquoi d’un point de vue légal, la Judée et la Samarie ne sont pas des territoires occupés. « Par ailleurs, la Jordanie a renoncé à la souveraineté sur la Cisjordanie en juillet 1988 », explique encore Navon.
« Il n’y a plus d’écart entre les taux de fécondité juif et arabe »
« D’après le Traité de Sèvres de 1920 et le mandat de la SDN de 1922, la répartition du territoire devait comprendre une zone « entre Méditerranée et Jourdain » réservée aux Juifs. Ce texte ayant encore force de loi, Israël s’est approprié une zone qui lui revenait ». Car si on remet en cause le traité de Sèvres, « il faudra aussi remettre en cause les pays issus du partage de l’empire austro-hongrois et de l’Empire ottoman», poursuit-il.
Alors pourquoi Israël n’annexe-t-il pas tout simplement ce territoire ? Il y a plusieurs problèmes potentiels. D’abord la réaction de l’opinion internationale. « Mais si Israël avait assez de sang-froid, explique le professeur, il le ferait, car il peut légitimement faire valoir son droit sur cette terre, qui est tout à fait légitime au vu des lois internationales».
L’argument le plus souvent utilisé contre l’annexion est la peur du déséquilibre démographique, car intégrer la Judée-Samarie à Israël reviendrait à rendre 1,5 million d’Arabes citoyens d’Israël. « Cet argument perd en pertinence avec le temps, ajoute-t-il. D’ailleurs la position annexionniste refait surface ces temps-ci et les données démographiques le prouvent : il n’y a plus d’écart entre les taux de fécondité juif et arabe, et si demain Israël annexait la Judée-Samarie, les Juifs représenteraient les deux tiers de la population ».
Reste le poids économique qu’impliquerait l’intégration de cette population. « Cela dépendra de la politique menée, conclut Emmanuel Navon. Même sans aller jusqu’à l’annexion, on peut repenser un modèle d’autonomie pour les Arabes de ses territoires. Mais cela n’est pas négociable avec l’OLP qui ne veut une armée que pour combattre Israël ».
Avec l’aimable concours du service presse de l’ambassade d’Israël pour la recherche des illustrations.