Tribune
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Publié le 12 Mars 2013

Hommage à Stéphane Hessel : saluons la finesse de François Hollande sur Israël et la Palestine

 

Par Jonathan Hayoun, Président UEJF pour le Nouvel Observateur

 

La société civile multiplie hommages et tribunes, autour de la disparition de Stéphane Hessel. Il nous laisse en héritage la gloire ou le déshonneur d’une figure controversée.

 

Il s’agirait aujourd’hui de lui attribuer un nom historique, un titre, une place dans la mémoire collective. Pour ses funérailles, l’homme fort de l’indignation aura bénéficié d’une arène polémique. D’un côté, le ton est au drame national. Le héros des humanistes, le héraut des opprimés, l’éternel résistant est loué et chanté par les chantres du bien-penser.

 

Une manie antisioniste qu'on ne doit pas oublier

 

De l’autre, on s’alarme que figures de proue de la République et vastes assemblées se complaisent à refouler dans leurs louanges les malédictions que proférait Hessel à l’endroit d’Israël, et la violence de comparaisons tant absurdes que pernicieuses. Les plus cyniques – les plus lucides, peut-être – avanceront que le résistant droit-de-l’hommiste aura servi d’alibi humaniste aux ennemis viscéraux du peuple juif.

 

Devant l’émoi, devant l’alarme, devant la férocité des échanges, il importe de reposer à nouveau la question: "De quoi Hessel est-il le nom" ?

 

Si la réponse allait de soi, les hommages nationaux se seraient passés de commentaires.

 

Stéphane Hessel a eu une longue vie. Une vie jalonnée d’épreuves difficiles, de moments de gloire, de grands et beaux gestes militants – pour lesquels nous, militants, n’éprouvons qu’admiration. Stéphane Hessel a eu une vie longue. Une vie marquée par une gloire mondiale, attestée par la grande histoire des révoltes et indignations qui ont bourgeonné de par le globe, mais que nous, qui luttons contre l’antisémitisme, recevons avec amertume.

 

La manie antisioniste du grand homme, et ses déclarations ulcérantes du "Frankfurter Allgemeine Zeitung" ne doivent pas être oubliées. Stéphane Hessel fut une grande figure héroïque, entachée par des engagements manichéistes et indigents qu’aucun humaniste véritable ne saurait cautionner.

 

Hollande a eu raison de parler d'incompréhension

 

Saluons la finesse du président Hollande, qui mit entre parenthèses lors de son hommage – sans les nier – les prises de position les moins recevables du personnage : "Il pouvait aussi porter une cause légitime comme celle du peuple palestinien, qui suscitait parfois l’incompréhension de ses propres amis. J’en fus. La sincérité n’est pas toujours la vérité, il le savait, mais nul ne pouvait lui disputer le courage".

 

Quand bien même cette mise entre parenthèses ne saura satisfaire les citoyens les plus profondément heurtés par les propos de Stéphane Hessel, la parole présidentielle aura néanmoins eu le mérite de faire advenir la nuance et la complexité dans le flot des réactions et des commentaires subséquents au décès.

 

Il en va en effet de la capacité de la société civile à prendre en charge l’équivoque d’un héritage discutable. Le goût pour les jugements tranchés et simplistes insinue le risque d’un face-à-face de deux camps retranchés sur des panégyriques lâchement tronqués et de lugubres oraisons.

 

Prendre acte de la complexité et des dangers ; entendre les ambivalences et les antagonismes – voilà ce à quoi nous invite l’agitation autour de la mort d’Hessel.

 

Car c’est à la capacité d’échapper au manichéisme, et de s’ouvrir à la complexité, que tient le véritable humanisme, mais aussi les combats authentiques contre la misère, les dictateurs en tous genres, le racisme et l’antisémitisme... Et la possibilité de vivre-ensemble.