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Assiste-t-on à une recrudescence des actes antisémites en Hongrie?
Indéniablement, ils se multiplient. Ce ne sont pas forcément des attaques physiques comme celle que j'ai subie. Elles sont surtout verbales ou s'expriment sur Internet. Cette année, par exemple, pour notre traditionnelle commémoration de l'Holocauste, nous avons reçu un nombre exceptionnel de mails négationnistes et d'insultes contre les juifs.
À quand remonte ce phénomène?
À l'entrée du Jobbik (principal parti d'extrême droite) au Parlement il y a trois ans. Depuis, ses membres se sont complètement lâchés et multiplient les déclarations contre les Juifs, car le noyau dur de ce parti est clairement néonazi. Cela a décomplexé une partie de la population. Il n'y a pas aujourd'hui plus d'antisémites qu'il n'y en avait hier. Simplement, les gens se sentent plus libres de parler.
Où cet antisémitisme puise-t-il ses racines?
Sans doute le travail de mémoire sur la Shoah et la responsabilité de la Hongrie pendant la Seconde Guerre mondiale n'a-t-il pas été suffisant. Après guerre, il y a bien eu quelques grands procès, des travaux universitaires remarquables sur l'Holocauste. Mais, dès 1948 et la mise en place du régime communiste, un couvercle a été mis sur ces questions. Et encore aujourd'hui, cette introspection collective reste limitée. Les manuels scolaires n'y consacrent que très peu de pages. Il est dit que ce sont les Allemands qui ont organisé la déportation des 400.000 juifs de Hongrie. Or, cela n'a pas pu se faire sans la collaboration de l'État hongrois.
La réaction du gouvernement actuel est-elle à la hauteur du problème?
En condamnant les déclarations de certains députés du Jobbik, en interdisant certaines manifestations, en amendant la Constitution pour punir les propos haineux, il a tracé une ligne assez claire entre ce qui était admis et ce qui ne l'était pas. Cela dit, il devrait faire la même chose avec le racisme anti-Roms. Ce n'est pas le cas.