Entretien avec Nona Meyer dans l'Obs publié le 21 Janvier 2016
Avez-vous été surprise par l'explosion des actes anti-musulmans ?
- Non, cela confirme la tendance observée au cours du premier semestre 2015. Les actes anti-musulmans ont été multipliés par trois. Le chiffre record de 429 actes a été atteint, c'est la première fois depuis 2012, date depuis laquelle ces statistiques sont disponibles.
La majorité de ces actes, 58%, ont eu lieu en janvier et novembre, après les attentats contre Charlie-Hebdo et l'Hyper Casher puis au Bataclan, aux terrasses de Paris et au Stade de France. Leurs auteurs se vengent de ces actes terroristes sur les musulmans dans leur ensemble, faisant l'amalgame avec les islamistes radicaux. A ces chiffres bruts, il convient cependant d'apporter plusieurs nuances.
Qu'entendez-vous par là ?
- D'abord, il faut distinguer les "menaces" des "actions", comme les catégories officielles les définissent. 70% des actes anti-musulmans recensés et 63% des actes antisémites sont en fait des menaces, c'est-à-dire des insultes ("sale juif", "musulmans dehors"), des graffitis aux murs des lieux de culte, des tracts injurieux… Elles présentent un degré de gravité moindre qu'une agression physique, comme la récente attaque au couteau d'un enseignant marseillais par un adolescent turco-kurde ou des actes terroristes, comme l'attaque de l'Hyper Cacher de Vincennes, au cours de laquelle cinq personnes ont été tués parce que juives. De l'affaire Halimi en 2006 à aujourd'hui, cela fait beaucoup de morts.