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Sûr, la tension est encore montée d’un cran dans l’éventualité d’une frappe israélienne en Iran. Non seulement tous les journaux israéliens ne parlent presque plus que de l’imminence de l’attaque et de ses retombées possibles, mais Avi Dichter, l’ancien chef du Shin Bet (le contre-espionnage), vient d’être nommé ministre du Front intérieur (la sécurité civile). Tandis qu’à l’étranger, on attribue généralement la flambée du prix du brut à la même cause.
Cette semaine, Tsahal procède à des essais d’envois massifs de SMS afin de prévenir les citoyens d’une zone géographique d’un danger imminent. Elle rencontre deux ou trois pépins : ça ne fonctionne pas avec les androïdes, et l’un des fournisseurs de téléphonie mobile refuse de participer à l’exercice tant que l’Etat ne lui aura pas fourni un parachute contre d’éventuelles poursuites judiciaires de la part d’utilisateurs.
Reste que le spectre de la guerre commence à occuper de vastes espaces dans la vie des Israéliens. Pour ceux d’entre nous qui ont connu la période ayant précédé la Guerre des Six Jours, l’ambiance est de plus en plus ressemblante.
Le public garde son calme et paraît résigné, comprenant que nous n’avons pas réellement le choix. Permettre aux Perses d’acquérir la bombe atomique n’est pas une perspective acceptable pour l’Etat hébreu ; on s’en convainc en écoutant les menaces hebdomadaires de notre annihilation prononcées par les ayatollahs.
Une mise à jour officielle provenant des renseignements occidentaux et du Mossad a encore boosté les chances d’une intervention imminente d’Israël. Les espions ont découvert ce que Jean Tsadik annonçait voici plusieurs mois dans ces colonnes, à savoir que la "République" Islamique est bien plus avancée dans son programme de nucléaire militaire que ce que l’on s’imaginait dans les chancelleries européennes et sur les rives du Potomac.
On a décelé que les unités de recherche iraniennes chargées de la mise au point des mécanismes de la bombe – une occupation n’ayant rien à faire dans les exploitations civiles de l’atome – ont réalisé des avancées considérables.
Ces activités se déroulaient dans la base secrète de Parchin, mais, redoutant une visite inévitable des inspecteurs de l’AIEA, Téhéran avait ordonné la destruction et le nettoyage en profondeur des sections qui étaient utilisées pour la bombe. Des photos satellites montraient distinctement des bulldozers au travail sur ce site.
Ce qu’on ignorait à l’Ouest, c’est qu’une unité d’une soixantaine de savants avait été formée simultanément et installée dans un complexe de la région de Téhéran, dans des conditions encore mieux adaptées que Parchin aux travaux qui devaient s’y dérouler. Le projet nucléaire n’eut ainsi à souffrir aucun retard du fait de la pression internationale, et il se trouverait à quelques semaines de distance du fameux point de non-retour. C’est ce qui a fait passer au rouge les voyants du Bor (la Fosse), le Q.G souterrain de l’Armée, situé en plein centre de Tel-Aviv.
On a alors averti le Hezbollah, qu’en cas d’agression de sa part contre le territoire israélien, nous aurions probablement à raser de vastes portions du Liban et qu’il en porterait l’entière responsabilité.
Les dizaines de milliers de projectiles aux mains de la milice chiite libanaise demeurent le souci prioritaire de l’état-major bleu-blanc.
Au moment précis où j’écris ces lignes, le vrombissement de chasseurs bombardiers frappés de l’étoile de David supplante le bruit de la climatisation à la rédaction. Ils patrouillent sur la frontière libanaise ou ils survolent carrément le pays au cèdre, mais leurs sorties sont si fréquentes, que les autres journalistes présents n’ont pas même levé la tête de leur écran.
A l’état-major, on est du même avis qu’à la Ména : les Iraniens se contenteront de défendre leurs installations stratégiques, militaires ainsi que les symboles du régime, mais ils ne prendront pas le risque suicidaire de s’attaquer aux navires et aux bases US présents dans la région, ni d’envoyer des missiles en direction d’Israël. Car ils connaissent parfaitement la brutalité de la réplique à laquelle ils s’exposeraient et qu’ils n’ont aucun moyen de contenir.
Dans ces conditions, ils ont préparé, au fil des ans, le Hezbollah à répliquer à une attaque israélienne à leur place. Notamment en envoyant au Liban plus d’un millier et demi d’officiers Pasdaran, destinés à aider les miliciens à presser sur la détente de leurs fusils en cas d’hésitation. Ces Iraniens déambulent en uniforme dans les zones de non-droit contrôlées par leurs supplétifs, ainsi que dans les villages chiites, situés à quelques kilomètres seulement de l’endroit où nous nous trouvons.
Nous avons souvent abordé cette problématique, mais le message envoyé par Jérusalem à toute la société libanaise demeure inchangé : notre différend avec l’Iran ne vous concerne pas, ne servez pas de chair à canon pour une autre nation ! Nous n’avons rien contre votre pays, mais si un déluge de roquettes et de missiles est tiré depuis chez vous sur nos concitoyens, vous ne nous laisseriez pas d’autre choix que celui de vous envahir et de réduire à l’état de ruines les quartiers et les villages depuis lesquels ils sont lancés.
A noter que le message israélien précise qu’en cas de confrontation, l’ampleur des dégâts serait largement plus étendue que lors des deux conflits précédents. L’avertissement de Jérusalem est perçu très clairement à Beyrouth, où les Forces armées et les composants non chiites majoritaires tentent de prendre leurs dispositions afin de dissuader ou d’empêcher Hassan Nasrallah de les plonger dans le chaos.
Autre activité du gouvernement Netanyahu : essayer de faire saisir à Barack Obama le sérieux de la situation. De lui rappeler son engagement plusieurs fois réitéré en public, de ne pas permettre aux mollahs de réaliser leur Bombe.
Reste que l’écho revenant d’outre-Atlantique est plutôt navrant. On y répète que l’option diplomatique n’a pas été épuisée et qu’il reste du temps jusqu’à la confection de la bombe par les Perses. Ici, on fait alors remarquer que les émissaires d’Ahmadinejad ont transformé en comédies toutes les rencontres organisées en vue de solutionner la crise de manière pacifique, et en comédiens les ministres des grandes puissances qui y participaient.
Mais rien n’y fait, pour le moment. Tout indique que le Président Obama est obnubilé par la campagne électorale, et qu’il ne désire prendre aucune initiative qui pourrait le pénaliser face aux citoyens américains.
Ce faisant, il a donné le signal du départ à une course contre la montre pour les ingénieurs iraniens : parvenir au point de non-retour avant la proclamation des résultats des élections présidentielles US en novembre.
A Jérusalem, on est bien obligé d’envisager une intervention en solo au cas où la menace irait plus vite que les intérêts d’Obama. On pense également, que si Israël intervenait, quelques jours ou quelques semaines avant la consultation publique US, l’actuel pensionnaire de la Maison Blanche n’aurait d’autre alternative que celle de se joindre à l’action militaire de Tsahal.
S’il ne le faisait pas, au vu de tous les sondages d’opinion disponibles, il perdrait les élections et paverait la voie du succès de Mitt Romney. Même en intervenant à la dernière minute, Obama se verrait probablement remplacer par le challenger républicain, qui s’est toujours montré plus pragmatique que le président sur le dossier iranien.
Cette perspective est encourageante pour Binyamin Netanyahu, mais elle est fort risquée, car elle participe d’un pari, dans la donne duquel il faudrait hypothéquer la sécurité de tous les habitants d’Israël. Or certains jugent cette prise de risque tout bonnement insensée.
Mais la marge de manœuvre de l’actuel cabinet à Jérusalem est restreinte ; certes, l’Etat hébreu possède les capacités pour intervenir seul et remporter une victoire militaire. Mais c’est insuffisant ! Ensuite, il faudra empêcher les ayatollahs de reconstruire leur infrastructure nucléaire.
Sans cela, d’après les experts, faute d’entretenir le succès initial, les Iraniens seraient revenus à leur stade actuel de développement en un an et demi à deux ans, ce qui soulève un sérieux doute quant à l’efficacité d’une prise de risque sécuritaire.
Le mieux, pour la planète, consisterait à s’attaquer au régime qui domine la "République" Islamique ainsi qu’à ses gardiens. Mais pour la réalisation de cette tâche, la force de frappe de Tsahal est insuffisante. Certes à même de porter des coups précis et décisifs contre les cibles choisies, mais tout aussi assurément incapable de noyer les Pasdaran et leurs chefs sous un tapis de bombes. Cela demeure l’apanage des Etats-Unis et de leur formidable arsenal guerrier.
Pour bien faire, il faudrait fragiliser suffisamment le pouvoir en place pour permettre à l’opposition de le renverser. Seul cela garantirait un abandon du projet de la Bombe et une cohabitation paisible de l’Iran avec ses voisins. Et cela, Israël n’est pas capable de le réaliser seule, en considération de la distance séparant Israël et la Perse et de l’absence de porte-avions et de logistique appropriée dans la marine israélienne.
Ne nous demandez pas un pronostic quant aux chances-risques d’une intervention israélienne imminente. Ce, pour la raison suffisante, que l’exécutif hébreu n’a lui-même pas encore arrêté sa décision définitive. Elle fluctue, s’adapte à la situation, s’établit par une série d’équations du genre "si…si…alors".
Ce qui est sûr, est que l’Armée est prête à fournir au gouvernement l’option militaire et à la mener à bien dans les proportions qu’elle a définies. Sûr aussi, qu’ici, quand on déclare qu’on ne laissera pas l’Iran menacer les peuples du Moyen-Orient au moyen d’une bombe atomique, on pèse chaque mot que l’on prononce. Et qu’en comparaison de notre survie, les élections présidentielles américaines…