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Rarement les relations entre Israël et les États-Unis ont été aussi tendues. Qu'attendez-vous de la visite de Barack Obama en Israël le 20 mars, sa première en tant que président américain ?
Je ne partage pas cette vision des choses, nos relations ne sont pas tendues. Un dirigeant doit être jugé sur ses actions, pas sur des rumeurs. Si l'on tire le bilan de l'action du président Obama, elle est totalement positive. Et dans le domaine de la sécurité, elle est même remarquable. Je le connais, il est un ami d'Israël et j'ai le plus grand respect pour lui. Il est essentiel qu'il vienne montrer que le soutien à Israël est partagé par les démocrates comme par les républicains aux États-Unis. Toute tentative pour en faire un instrument de division est sans objet.
Concernant sa visite, il y a deux sujets brûlants. Le premier est comment empêcher l'Iran de devenir une puissance nucléaire. Le second sera d'encourager la réouverture de négociations de paix. Cela n'arrivera probablement pas pendant cette visite, mais elle peut poser des fondations pour une reprise.
Israël semble penser que les États-Unis n'en font pas assez sur l'Iran...
Le président Obama a réussi à mettre sur pied une coalition avec les Européens et à s'accorder avec eux sur une politique commune. D'abord, essayer d'arrêter la fabrication de la bombe atomique par les Iraniens au moyen de sanctions économiques. Ensuite, Barack Obama et les Européens ont décidé que si les sanctions n'atteignent pas leur but, d'autres options sont sur la table. Cette coalition est ce qui pouvait arriver de mieux.
Les sanctions sont régulièrement renforcées, mais rien ne semble pouvoir empêcher l'Iran de continuer à enrichir l'uranium. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a fixé des lignes rouges en septembre 2012 à l'Assemblée générale de l'ONU. Nous en approchons-nous ?
Oui, nous nous en approchons. Mais je ne suis pas sûr qu'il y ait une seule estimation en la matière : est-ce une question de mois, d'année ou de plus ? La ligne rouge doit être constatée conjointement, par toute la coalition. Il y a un moment où celle-ci va dire : nous avons essayé de faire de notre mieux, mais il est temps de recourir à d'autres moyens.
Ce point est-il franchi pour Israël ?
Les sanctions ont été assez efficaces, plus qu'on ne le pensait à l'origine, mais pas assez pour changer le cours des choses. Si elles sont renforcées, peut-être peuvent-elles devenir réellement plus efficaces. Nous tous préférons résoudre le problème par des moyens politiques et économiques. En tout cas, jusqu'à un certain point.
L'enrichissement n'est pas le seul problème, il y a celui du programme de missiles longue portée, mis au point par l'Iran. Khamenei dit que fabriquer ou utiliser la bombe atomique est prohibé par la religion. Si c'est le cas, pourquoi fabriquer des missiles longue portée dans le but de les équiper de têtes nucléaires ? Les Russes peuvent jouer un rôle intéressant sur ce point. J'ai rencontré Vladimir Poutine et le premier ministre , ils m'ont dit qu'ils n'accepteraient pas un Iran nucléaire. Pour empêcher cela, il faut surveiller les deux filières : la bombe et le moyen de la tirer.
Vous parliez du processus de paix. Le seul processus en cours semble être la colonisation toujours croissante des territoires occupés...
Le processus de paix avec les Palestiniens a un début et des grandes lignes communément acceptés. Le début, ç'a été la mise en place de l'Autorité palestinienne et la décision unilatérale d'Israël de démanteler ses vingt-deux colonies dans la bande de Gaza. C'était un bon début. Hélas, à partir du moment où les Israéliens ont quitté Gaza, les Palestiniens, au lieu d'en faire la première étape de leur futur État, l'ont transformée en base terroriste et ont tiré des missiles vers Israël. C'était un terrible coup porté au processus de paix. Les gens, en Israël, ont commencé à dire : si on fait la même chose en Cisjordanie, cela conduira au même résultat. Nous devons continuer à construire une solution pour deux États, mais en tirant les leçons des étapes précédentes.
Mais, bientôt, deux États ne seront plus possibles tant la colonisation progresse...
Il y a eu un changement idéologique majeur en Israël : la gauche et la droite sont d'accord sur le fait que la solution des deux États est la seule possible. Il n'y en a pas d'autres et pas de meilleure. Durant les négociations menées à Washington , le président Bill Clinton avait proposé une idée dont je pense qu'elle était plus ou moins acceptée par les deux parties : créer trois blocs de colonies pour les Israéliens vivant en Cisjordanie, et donner en échange aux Palestiniens des terres en Israël. C'est la bonne façon de procéder.
Je ne partage pas le point de vue de ceux qui disent que nous avons perdu la volonté ou que la solution des deux États est impossible. C'est absurde. Nous avons connu un revers et nous savons comment le surmonter. Cela se fera par le consensus et non par des diktats.
Vous avez rencontré François Hollande. Vous a-t-il donné satisfaction sur votre demande de voir les Européens placer le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes ?
J'ai félicité François Hollande pour son action au Mali. Et il m'a écouté sur le problème du Hezbollah. Le Hezbollah est une organisation terroriste. Son rôle a été prouvé par l'enquête de la police bulgare dans l'attentat de Sofia. À Chypre aussi, un membre du Hezbollah projetait des actes terroristes. Au Liban enfin, le Hezbollah agit comme un État dans l'État et accroît les divisions : il entretient sa propre armée et l'envoie combattre en Syrie sans autorisation du gouvernement libanais dont il est membre. La France, qui a créé le Liban, a une responsabilité. J'ai bon espoir que les Européens cessent de délivrer un certificat de respectabilité au Hezbollah.
Plusieurs incidents ont conduit à des violations de la ligne de cessez-le-feu sur le plateau du Golan. Israël a mené un raid contre une installation chimique en Syrie. Le conflit syrien est-il en train de déborder chez vous ?
Bachar Al-Assad s'est présenté comme un jeune leader qui voulait moderniser et pacifier la Syrie. C'était un faux-semblant. En fait, il a essayé de se doter de l'arme atomique et chimique. Le programme nucléaire a été heureusement détruit ; le chimique, hélas non. Et maintenant, il est très compliqué d'empêcher que ces armes tombent entre les mains de gens irresponsables. Israël préférerait rester hors de ce conflit, mais nous sommes obligés de nous défendre.
La solution pour mettre fin aux destructions et au massacre serait que la Ligue arabe prenne l'initiative, avec l'appui et le mandat de l'ONU, de mettre sur pied un gouvernement de transition soutenu par des Casques bleus arabes. Il est temps que la Ligue arabe prenne ses responsabilités. Ses membres ont assez d'argent, d'armes et de soldats.
En Égypte, le Sinaï semble échapper de plus en plus au gouvernement et le nouveau président, le Frère musulman Mohamed Morsi, est hostile à Israël. Regrettez-vous le "printemps arabe" ?
Les soulèvements arabes sont déconnectés d'Israël. Ils sont le fait de la jeune génération, qui ne supportait plus la pauvreté, le chômage et le manque de liberté. Ça a commencé par un homme qui s'est immolé en Tunisie et ça s'est répandu dans toute la région. Cela a mené à deux résultats. Un, des despotes ont été jugés et il est devenu difficile d'être un dictateur au Proche-Orient. Deux, on a organisé des élections : en Égypte, le président Morsi a été élu légalement.
Mais les Égyptiens ont découvert qu'il ne suffisait pas de choisir un dirigeant, il faut des solutions à leurs problèmes. L'aide ne pourra pas tout résoudre. Il faut créer des emplois et seule l'innovation permettra de le faire.
Israël est une île au milieu de l'océan. Nous devons défendre notre île, avec notre armée, et participer à la tranquillisation de l'océan en partageant notre expérience dans le high-tech et le capital humain, la clé de notre succès.