Tribune
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Publié le 28 Juin 2012

Israël, Iran... le monde vu par Mohamed Morsi

Quelle politique extérieure s’apprête à mener le nouveau président égyptien ? Le soir même de son élection, Mohamed Morsi éclairait la communauté internationale et affirmait vouloir renouer des relations rompues depuis trente ans avec l’Iran et revoir les conditions du Traité de paix avec Israël. Des ambitions qui ne seront pas du goût de certains alliés historiques de l’Egypte. Et qui réveillent les craintes des pays voisins.

 

Dès son premier discours en tant que nouveau président égyptien, dimanche 24 juin, Mohamed Morsi, premier islamiste élu à la magistrature suprême avec 51,74% des voix, s’est voulu rassurant à l’intérieur comme à l’extérieur, à quelques exceptions près.

Le candidat de « tous les Egyptiens »

 

A l’intérieur, l’islamiste Frère musulman a affirmé vouloir incarner le « président de tous les Egyptiens ». Dans un pays constitué principalement de musulmans, mais également d’un nombre croissant de laïcs et de 10% de Chrétiens, Mohamed Morsi a appelé à « l’unité nationale, seul moyen de sortir de ces temps difficiles ». Pour cela, affirmait-il, quelques heures après l’annonce des résultats du scrutin, « Je suis le président de tous les Egyptiens sans exception ».

 

En utilisant l’expression « tous les Egyptiens », Mohamed Morsi compte bien s’attirer les bonnes grâces d’une bonne partie de la population, inquiète de voir un islamiste reprendre les rênes d’une Egypte postrévolutionnaire.

 

Renforcer les relations entre l’Egypte et l’Iran

 

A l’extérieur, la tâche ne sera pas si facile et un simple discours ne suffira sans doute pas à calmer les craintes qui devraient naître si Mohamed Morsi va au bout de ses pensées.

 

Dans ce même premier discours, le nouveau président élu a affirmé vouloir « préserver les traités et chartes internationaux » signés par l’Egypte avec ses voisins, comme avec ses alliés.

 

Un geste félicité par la communauté internationale. Mais Mohamed Morsi est allé plus loin, peut-être trop aux yeux de certains alliés de l’Egypte. Le nouveau président égyptien compte notamment réveiller les relations de l’Egypte avec l’Iran, rompues depuis trente ans, ce qui, selon lui, « créera un équilibre stratégique régional et fait partie de mon programme » a-t-il déclaré.

 

Revoir le traité de paix avec Israël

 

Et c’est justement au pire ennemi de l’Iran que s’en est pris par la suite le nouveau président élu. Israël est en passe de devenir un sujet plus que sensible.

 

Si Hosni Moubarak a longtemps été accusé de « choyer » les Israéliens, il n’en sera sans doute pas de même avec Mohamed Morsi à la tête de l’Etat.

 

Le nouveau président compte bien « réviser » les accords de paix qui ont été signés avec l’Etat hébreu en 1979 à Camp David, précisant « mais tout cela sera fait par les organes gouvernementaux et le cabinet, car je ne prendrai aucune décision seul. »

 

« Notre politique à l’égard d’Israël sera basée sur l’égalité, car nous ne sommes pas inférieurs à eux. Nous discuterons du droit des Palestiniens, car cela est très important ». a ajouté cet historique militant antisioniste.

 

Les Etats-Unis, garants de la sécurité israélienne

 

Or, la question israélienne est sujette à de nombreuses conséquences. Derrière les Accords de Camp-David, il y a l’aide américaine octroyée chaque année à l’Egypte, en échange de sa bonne volonté à l’égard de son voisin hébreu. Pour la somme de 1,5 milliards de dollars, ainsi qu’en échange de ces « zones industrielles qualifiées » (ZIQ) dont les produits sont détaxés sur le marché américain s’ils comportent au moins 11,2% de composants israéliens, l’Egypte a le devoir de s’entendre avec Israël.

 

Un marché juteux que le président islamiste serait bien en train de mettre en péril.

 

Mohamed Morsi, dans le même camp que le Hamas

 

Pour cela, Israël qui s’inquiétait de la victoire de Mohamed Morsi, a pris les devants et Benyamin Netanyahu a tenu à féliciter le candidat victorieux, tout en rappelant, dans un communiqué, « qu’Israël entend poursuivre sa coopération avec le gouvernement égyptien sur la base du Traité de paix, qui répond aux intérêts mutuels des deux peuples et contribue à la stabilité régionale. »

 

Israël a pleinement conscience des risques que cette nouvelle élection comporte. « Il y a désormais à la tête de l’Egypte un homme qui n’a jamais caché son hostilité à Israël » affirmait pour sa part le député Binyamin Ben Eliezer, ancien ministre de la Défense et proche d’Hosni Moubarak, à l’AFP.

 

Une hostilité révélée notamment par l’appartenance du Hamas palestinien à la confrérie des Frères musulmans dont est directement issu Mohamed Morsi.

 

Israël se veut prévoyant

 

Pour tenter d’apaiser « une paix froide » qui pourrait s’installer, les Israéliens ont pris soin de ménager leur voisin palestinien, en prévision de la victoire de Mohamed Morsi. Un ancien conseiller de l’ancien Premier ministre Ariel Sharon, dans une tribune parue dans le quotidien Yediot Aharanot relevait « la faible riposte de l’armée israélienne » aux tirs de roquette du Hamas, la semaine précédant les résultats, « par crainte d’enflammer la rue égyptienne et de conduire le gouvernement égyptien à réagir contre nous ».

 

« C’est le prix qu’Israël commence à payer pour sa crainte d’une Egypte différente » ajoutait-il.

 

Dernier rempart : le rôle de l'Armée égyptienne qui n'est pas prête à  perdre le contrôle de la situation, et dont la position est plus modérée en la matière... Les Etats-Unis auront tout intérêt à conserver de bonnes relations avec elle, tout en maintenant une relation d'équilibre avec le président.