- English
- Français
"Je retourne à Budapest tous les deux ou trois mois, explique Zsuzsa. Tout le monde est agressif..." Des perspectives d'embellie, l'ancienne journaliste n'en voit plus : "Les élections ont lieu l'année prochaine. Orban va gagner, c'est évident." Selon un récent sondage, le parti au pouvoir, le Fidesz, rassemblerait 48% des intentions de vote, loin devant le Parti socialiste (18%) et le parti d'extrême droite Jobbik (15%).
Orban flirte avec l'extrême droite
La popularité croissante du mouvement Jobbik accroît l'inquiétude de Zsuzana : "Depuis cinq ans, Jobbik compte de plus en plus de supporters, surtout parmi les étudiants. À ELTE (l'université de Budapest, NDLR) et à la faculté d'Histoire, de nombreux jeunes ont rejoint l'extrême droite. Tout cela est devenu presque banal. En France, par exemple, Le Pen ne dit pas qu'elle est antisémite. Là-bas, le Jobbik revendique sa haine des Juifs et affirme qu'Israël veut acheter la Hongrie. Le discours d'extrême droite fait des adeptes parce que les gens souffrent de la situation économique." Parmi eux, le frère de Zsuzana, qui s'apprête à quitter Budapest pour la Norvège.
Le 5 mai dernier, devant les quelque 500 délégués du Congrès juif mondial, réuni à Budapest, Viktor Orban a rejeté l'antisémitisme, "intolérable et inacceptable". La veille, pourtant, le chef du parti Jobbik, Gabor Vona, cité par Euronews, a déclaré que son pays "refuse de lécher les pieds des juifs, comme le font les autres Européens".
Selon Zsusana, la stratégie du Jobbik consiste à "trouver un bouc émissaire, les juifs et les Roms". Pour elle, les violences et le racisme ne servent pas la cause de Viktor Orban, mais celui-ci profiterait du climat pour récupérer des voix d'extrême droite. Au risque de perdre la confiance de ses partenaires au sein de l'Union européenne.
L'UE a des moyens "trop limités pour intervenir dans les politiques de la Hongrie"
Zsusana est consciente que les institutions européennes ne peuvent peser qu'à la marge sur la politique nationale hongroise. Mais elle se félicite de la parution, le 2 mai, d'un projet de rapport "sur la situation en matière de droits fondamentaux en Hongrie". Résultat d'un an et demi d'enquêtes, le document pointe "certaines des nouvelles dispositions [mises en place en Hongrie qui] ne satisfont pas aux normes européennes". S'il est approuvé dans les prochains mois par le Parlement européen, ce texte sera un signe politique fort, certes, mais sans conséquence directe sur les choix faits par le gouvernement Orban. Pour autant, pas question pour Zsusana de rentrer au pays avant " la disparition politique d'Orban " ou la mise en place "d'un dialogue avec les autres partis" - un scénario peu probable.
Pour changer la donne, les auteurs du rapport préconisent la création d'un comité, à Bruxelles, qui aurait le pouvoir de faire revenir la Hongrie sur ses choix politiques. La procédure, si elle voit le jour, s'annonce longue et difficile. D'ici là, Zsusana n'envisage pas de rentrer à Budapest.
*Le nom a été changé à la demande de l'interviewée