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Lui, voilà un bon moment que les talibans rêvent de le tuer ! Déjà, en mai 2011, un kamikaze avait fait exploser sa voiture à son passage à Kandahar, dans le sud pachtoune du pays. La deuxième fois, c’était en octobre 2011, toujours à Kandahar. À chaque fois, Asadullah Khalid (photo) s’en est sorti, au grand désespoir des talibans. Il faut dire que le chef des services secrets afghans est leur bête noire. L’homme, âgé d’une quarantaine d’années, est connu pour son efficacité, son obsession à traquer les insurgés. Et sa brutalité, puisqu’il est réputé partisan des méthodes d’interrogatoire musclées, en clair, la torture. Et pour finir d’énerver les talibans, plutôt susceptibles par nature, le chef des services secrets est un proche du président Karzaï et un des favoris de Washington.
Le kamikaze est une arme simple et terrible. Un homme, déterminé à mourir avec sa victime, une ceinture d’explosifs sous sa veste, la possibilité de s’approcher de sa cible, - un discours, une réunion, une manifestation publique, un convoi qui passe – l’agresseur qui s’approche au bon moment, la main sur son détonateur et… c’est déjà trop tard. L’escorte est pulvérisée, la voiture soulevée de terre, les armes et les gilets pare-balles des gardes du corps inutiles. La technique, qui est devenue monnaie courante en Afghanistan - eh ! Oui. On en arrive à écrire ce genre de choses… Le Kamikaze, celui qui hantait nos imaginations, les Japonais « fanatiques » dans leurs avions, les porte-avions en feu dans le Pacifique, on croyait cela exclusif, irréel, méthode d’un passé révolu, non ? Eh bien, pas du tout. Aujourd’hui, là-bas, le Kamikaze, une vie humaine sacrifiée, s’utilise comme un élément du combat, une simple grenade vivante, à utiliser en alternance avec une kalachnikov ou un lance-roquette RPG. C’est à la fois banal et terrifiant.
D’autant que ce kamikaze-là était un… émissaire de paix ! Venu pour la quatrième fois, au nom des talibans, assister à des discussions avec le gouvernement. « Salam Alleikoum ! » (« La paix soit sur vous ! ») Et un petit coup d’oeil à chaque fois sur les mesures de sécurité draconiennes qui entourent tout ce qui a la moindre importance à Kaboul… Alors, la présence d’un chef de sécurité ! La quatrième fois, l’homme a pénétré dans cette résidence ultra-protégée de Kaboul et s’est soumis à tous les contrôles, a été scrupuleusement fouillé, des pieds jusqu’au turban. Normal, puisque c’est un turban piégé qui a tué Burhannuddin Rabbani, l’ancien président afghan chargé par le gouvernement de négocier la paix avec les talibans. Ici, la paix, c’est dangereux.
Une fois à l’intérieur, le kamikaze a eu un peu de mal à identifier sa cible puisque, à sa place réservée, deux hommes étaient attablés. Il a suffi que le téléphone sonne, que le chef des services décroche, que sa conversation révèle qui il était et le kamikaze n’avait plus qu’à se jeter sur lui, en se faisant sauter. Asadullah Khalid a été grièvement blessé à l’estomac et au ventre, mais il n’est pas mort. Et il a été évacué vers un hôpital étranger pour recevoir les meilleurs soins possible. Pas mort ? Avec un kamikaze à un mètre de lui ? Peut-être parce que la charge n’était pas très puissante.
L’explication. Le kamikaze venait du Pakistan où un chirurgien complice lui avait ouvert le ventre, soulevé légèrement l’estomac, pour installer une poche bourrée d’explosifs, juste au-dessus des intestins, avec un petit détonateur à portée, avant de refermer le tout avec des points de suture dans les règles de l’art médical.
Ne restait plus qu’à laisser cicatriser, à se rendre à Kaboul, à passer la fouille manuelle qui n’a évidemment rien révélé et à jeter sur le chef des services secrets, le doigt sur le détonateur, pour lui signifier ce que les talibans pensent… du processus de paix.