Tribune
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Publié le 4 Avril 2014

La communauté juive de Grèce aujourd’hui

Par Eve Gani, relations internationales, CRIF

Nous rencontrons Benjamin Albalas, président du KIS, l’équivalent du CRIF en Grèce, lors de la tenue à Paris de la réunion du Congrès juif mondial. À l’agenda de cette réunion, la situation de quatre communautés nécessitait un examen prioritaire : la Hongrie, qui fait face à l’apparition d’un groupe politique néonazi et au révisionnisme d’État, l’Ukraine  qui rencontre une situation à risque sur le plan humanitaire, la Grèce exposée tant sur le plan politique qu’humanitaire avec la grave crise économique subie par le pays et la présence au parlement des néonazis « Aube dorée », et la France devant les composantes les plus diverses de l’antisémitisme moderne qui ont causé cinq morts sur les dix dernières années. 

La Grèce subit la première la crise économique européenne. En mars 2014, l’agence statistique grecque ELSTAT a évalué le taux de chômage (pour décembre 2013) à 27,5 % ce qui représente le double que dans la moyenne de la zone Euro à 12%. Le chômage des jeunes atteindrait 60% de la population. Depuis le début de la crise économique de 2007, la plupart des économistes ont évalué le déclin cumulatif du PIB jusqu’à fin 2014 à environ 25%. 

La crise économique a entrainé une baisse de revenu de la communauté de plus de 50%. Le chômage, y touche plus d’une jeune sur deux en Grèce. À ces phénomènes se surajoute l’inversion de la pyramide des âges : le taux de mortalité est supérieur au taux de natalité. Le déclin de la communauté juive de Grèce qui comprend 5000 individus nécessite également des compromis sur le plan religieux. Ainsi, les enfants issus de mariages mixtes, qui représentent 50% des mariages, sont acceptés dans les écoles juives et peuvent même faire leur bat et bar mitzva pourvu que les parents aient affirmé leur choix d’élever leurs enfants dans le judaïsme.

La crise économique a eu pour effet la montée d’un parti néonazi. Défenseur de la race grecque, qui remonterait aux temps anciens du paganisme, elle voit le christianisme comme une succession de ses anciennes traditions.  Des membres de ce parti ont eu des liens avec la dictature militaire de 1967-74. Dans son idéologie, les responsables de la crise sont les immigrants, les Juifs, mais aussi la finance internationale et toutes forces extérieures qui s’opposent à la culture grecque. Animé par un esprit de « vengeance », la violence de Aube Dorée s’est manifestée jusqu’aux plateaux télévisions lorsque le parlementaire Iliais Kasidiaris a donné une gifle au parlementaire communiste Liana Kanelli. Dans l’œil du spectateur, du votant, qui veut en découdre, l’incident a renforcé l’image de Aube dorée. Sur le terrain, les militants du parti se sont livrés à des ratonnades. L’assassinat, en septembre 2013, du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas a conduit le gouvernement grec a déclaré Aube dorée comme une « organisation criminelle » et a arrêté le leader du mouvement Mihakoliakos ainsi que cinq autres parlementaires du mouvement. Malheureusement, le déclin dans les sondages d’opinion qui a suivi l’assassinat de Fyssas a été de courte durée. En février 2014, Aube Dorée resterait le 3ème parti préféré des Grecs. Le parti projette de se renommer pour les élections européennes et municipales en « National Dawn », Aube nationale. Le Financial Times évalue son score possible à 15-20%.

Face à cette perspective politique, Victor Eliezer, le secrétaire général du KIS a déclaré : « Nous sommes préoccupés, mais n’avons pas peur. Nous croyons que les néonazis peuvent seulement être isolés et défaits en nous alliant avec toutes les forces démocratiques de la Grèce. Deux mesures sont particulièrement importantes : la première, la mise en oeuvre de lois antiracistes efficaces, contre les actions violentes, l’incitation à la haine et le négationnisme. Deuxièmement, l’éducation sur le racisme et l’antisémitisme à travers un meilleur enseignement de la Shoah. Cela devrait comprendre des initiatives pour faire visiter Auschwitz à des étudiants».

Dans le même temps, les jeunes Grecs voulant échapper aux heurs politiques et économiques qui ont frappé le pays ont appris depuis longtemps à s’établir en cas de crise à l’étranger. Ils sont, depuis plus d’un siècle, établis aux États-Unis, en Israël, au Canada, en Israël et en France, Belgique et Suisse.

Leur départ n’est pas un adieu : les originaires, Juifs et Chrétiens, reviennent en Grèce principalement pour du tourisme et participent ainsi à l’économie de manière significative. Ces dernières années, la coopération renforcée entre Israël et la Grèce a permis d’augmenter le tourisme en provenance d’Israël, sur les traces de celle qui fut « la Jérusalem des Balkans », Salonique ou Rhodes. Les visites de plus 400 000 touristes israéliens par an sont le symptôme d’une nouvelle « relation d’amour » entre les deux pays, marquée notamment par un projet d’exploitation gazière commun au large de Chypre.