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Une chute condamnant dans la foulée ce système des homelands, ou bantoustans, que les dirigeants blancs avaient créés pour parquer par groupes ethniques des populations noires dans des territoires délimités et faire croire - sans succès - au reste du monde qu'ils avaient la bonté de leur accorder l'indépendance. "Oui, ils ont donné de la terre à mes parents, à mes grands-parents, mais c'était de la terre qui ne valait rien", souligne-t-il.
Ce photographe, né à Soweto, a fait de nombreux allers et retours dans sa jeunesse vers le KwaNdebele, un ancien bantoustan situé dans la province aujourd'hui appelée Mpumalanga, à environ 200 kilomètres à l'est de la capitale sud-africaine, Pretoria. Le KwaNdebele fut donc un État autonome non reconnu d'une durée de vie de treize ans (1981-1994), regroupant essentiellement des Sud-Africains noirs de la communauté des Ndébélé.
"J'ai voulu y retourner pour montrer que là-bas, depuis les premières élections démocratiques de 1994, tout avait changé et rien n'avait changé, explique Thabiso Sekgala, joint par téléphone à Berlin, où il séjourne dans une résidence d'artistes. Quand vous regardez autour de vous dans ces zones rurales, les Blancs sont toujours riches, les Noirs sont toujours pauvres, finalement nous sommes encore séparés."
"La géographie de l'apartheid est ancrée dans la terre et dans les esprits"
Il évoque aussi un sombre anniversaire. Il y a un siècle exactement, les autorités votaient le Natives Land Act, une loi qui condamnait les Noirs à ne pouvoir occuper qu'un peu plus de 7 % de la superficie de l'Afrique du Sud. "À la campagne, il est encore difficile de voir des Noirs s'installer dans certains endroits, car la géographie de l'apartheid est ancrée dans la terre et dans les esprits."
Pour le photographe, qui a étudié à Johannesburg, ce qui a changé n'est pas forcément visible : "Pour les Noirs, le système éducatif est désormais un peu meilleur, même s'il y a encore des progrès à faire, et être éduqué, c'est le seul moyen de sortir de cet endroit, de réussir à aller à la ville." Poser son appareil photo dans ces lieux, c'était aussi pour Thabiso Sekgala un moyen de conserver des traces de ce passé encore présent : "L'histoire des bantoustans ne doit pas être oubliée, et comme aucun monument n'a été érigé, j'ai pris en photo des bâtiments, des paysages, pour que même ceux qui, comme moi, ne vivent plus là, n'oublient pas d'où ils viennent."
Depuis la capitale allemande, il suit aussi les dernières nouvelles concernant Nelson Mandela. "Il a fait de nombreux sacrifices, mais je n'ai pas le sentiment que les Blancs aient fait beaucoup d'efforts depuis 1994 pour essayer de mieux nous comprendre. Il y a par exemple onze langues officielles dans le pays. Pourquoi n'apprennent-ils pas au moins une langue africaine ?"