Tribune
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Publié le 14 Janvier 2014

L'affaire Dieudonné, la gauche et l'antisémitisme

Par Jean Birnbaum

 

C'est un simple tweet, aussi bref qu'emblématique. Lorsqu’ont été rendues publiques les attaques de Dieudonné contre le journaliste Patrick Cohen – « Quand je l'entends parler, j'me dis, tu vois, les chambres à gaz… dommage » –, Jean-Luc Mélenchon était l'un des premiers politiques à réagir sur le réseau social. « J'adresse à Patrick Cohen une pensée solidaire. Il sait comme moi que les antisémites n'ont aucun futur dans notre République », écrivait M. Mélenchon. Par cette phrase en forme d'exorcisme, il faisait un double geste. D'une part, il répondait à ceux qui accusent sa famille politique, et la gauche en général, de complaisance vis-à-vis de l'antisémitisme. D'autre part, il lançait un avertissement aux militants et aux sympathisants qui seraient tentés par tel ou tel prêcheur de haine.

Dans la période récente, ce double geste a été posé par la plupart des tendances de la gauche, qu'elle se dise réformiste ou révolutionnaire. Au Parti de gauche, donc, mais aussi chez les socialistes, les écologistes et les communistes, dans les galaxies trotskistes ou libertaires, un travail de prévention et de pédagogie a été effectué pour réaffirmer une même idée : les amis de Dieudonné sont les ennemis de toute émancipation. Ainsi, au moment où la revue Article 11 publiait une enquête intitulée « Alain Soral, petit idéologue et grand épicier », Le Monde diplomatique décortiquait, lui, la logorrhée de ce bateleur fascistoïde. On retrouve la même préoccupation chez les militants de la cause palestinienne, qui sont nombreux à refuser de voir leur combat pris en otage par un antisémite obsessionnel : « Dieudonné n'est pas un simple humoriste, c'est avant tout un militant politique d'extrême droite », prévient l'Association France Palestine Solidarité.

 

Les multiples liens de la nébuleuse Dieudonné/Soral avec l'extrême droite ont facilité la tâche des lanceurs d'alerte. « Même pour des admirateurs un peu myopes, il est devenu impossible de ne pas constater que, sur la photo de famille, il n'y a que des fachos, des conspis et autres amoureux de régimes autoritaires », ironise le mensuel de critique sociale CQFD. Au sein des associations antiracistes, chacun a en tête les photos de Dieudonné avec Jean-Marie Le Pen (parrain de l'une de ses filles) ou Bruno Gollnisch, deux amateurs de « quenelles ». Parmi les militants antifascistes, beaucoup se souviennent du dialogue fraternel de Dieudonné avec l'ancien chef skinhead, Serge Ayoub, alias « Batskin », une vidéo tournée juste après la mort de Clément Méric, qui se concluait sur ces mots : « On a le même ennemi, c'est une évidence… » Dans le mouvement gay et lesbien, on connaît l'homophobie virulente d'un ex-humoriste qui a proclamé le plus sérieusement du monde : « Le mariage gay est un complot sioniste »… Lire la suite.