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« Le Dernier des injustes », c’est le surnom que le rabbin se donnait lui-même, clin d’œil ironique au roman « le Dernier des Justes », d’André Schwarz-Bart. Claude Lanzmann l’a interviewé en 1975, quand il préparait « Shoah ». Mais il a attendu trente-huit ans pour en faire un film (en salles ce mercredi 13 novembre 2013). Le cinéaste, qui aura 88 ans le 27 novembre, explique ce long délai.
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour réaliser ce portrait de Benjamin Murmelstein?
Je ne pouvais pas l’intégrer à « Shoah », parce que le ton est complètement différent. « Shoah » est un film épique sur l’inéluctabilité de la tragédie. « Le Dernier des injustes » n’est pas épique. Il montre la faiblesse humaine. Murmelstein est le premier personnage que j’ai filmé quand je préparais « Shoah » en 1975. Je savais qu’il vivait en exil à Rome, très pauvrement, comme représentant en luminaires. Il m’a d’abord dit non. Je l’ai trouvé fascinant, d’une intelligence brillantissime, avec beaucoup d’humour. J’ai tourné avec lui comme un fou pendant une semaine entière.
Il est mort en paria en 1989…
Oui. Il savait qu’il était haï par un très grand nombre de Juifs. D’abord, tout le monde oublie qu’il a sauvé 121 000 Juifs. C’est énorme. Son grand crime, pour ses détracteurs, c’est d’avoir refusé d’établir des listes de ceux qui allaient partir en déportation. Les Allemands ne se préoccupaient que des chiffres. Ils disaient : « convoi de 5 000 personnes pour tel jour ». Qui partait, ils s’en fichaient, c’était aux conseils juifs de décider. Les prédécesseurs de Murmelstein acceptaient. Lui a refusé de faire ces listes. De choisir. Si un Juif lui demandait une faveur, de retirer un nom, qu’il fallait alors remplacer par un autre, il lui disait : « Vas-y, mais tu mets ton nom à sa place »… Lire la suite.