Tribune
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Publié le 18 Juillet 2014

Le « vivre ensemble » mis à l’épreuve

Par Denis Peiron, publié dans la Croix le 17 juillet 2014

L’attaque, lundi, d’une synagogue parisienne en marge d’une manifestation propalestinienne met en lumière l’une des fractures qui parcourt notre société et laisse une nouvelle fois redouter une importation du conflit proche-oriental. 

À défaut de grand projet collectif, diverses formes de radicalisme plus ou moins neuves, émanant ou non de communautés, gagnent du terrain dans le débat public.

Souvent galvaudée, l’expression « vivre ensemble » recouvre-t-elle encore une réalité ? L’actualité récente, marquée par la montée du vote extrême, les attaques racistes dirigées contre Christiane Taubira, voire les crispations autour d’enjeux sociétaux, avait déjà révélé les tensions à l’œuvre dans la société française. Cette fois, c’est l’attaque d’une synagogue en marge d’une manifestation de soutien aux habitants de Gaza, à Paris, le 14 juillet, symbole supposé d’unité nationale, qui met en question notre capacité à faire cohabiter de façon sereine et féconde les différentes composantes de notre population.

« Depuis des décennies, on observe sur notre sol une importation du conflit proche-oriental », rappelle l’historien Jérôme Grondeux. « Il existe en France une frange antisioniste assez diverse, pas forcément antisémite. Mais, comme le montre le phénomène Dieudonné, la zone de contact entre antisionisme et antisémitisme s’élargit », estime-t-il. « Et le fait que le Hamas, très lié à l’islam, apparaisse aujourd’hui le plus en pointe dans le combat pro-palestinien a tendance à renforcer la dimension religieuse du conflit », poursuit ce chercheur.

Attention toutefois aux généralisations, prévient Claude Dilain, sénateur PS de Seine-Saint-Denis. « Gardons-nous de faire passer les musulmans pour des antisémites », demande l’ancien Maire de Clichy-sous-Bois, commune qui compte une forte population musulmane et dans laquelle une synagogue avait été incendiée en 2001. « Il se trouve peut-être dans ma ville une centaine de jeunes à qui certains font croire – en déplaçant la théorie du bouc émissaire – que les Juifs et Israël sont à l’origine de tous leurs maux. Ceux-là sont effectivement susceptibles de participer à des manifestations antisémites. Mais n’oublions pas les 30 000 autres habitants qui désapprouveraient leur attitude ! » plaide-t-il...

Alain Seksig, inspecteur de l’éducation nationale, considère que le vivre ensemble pâtit d’un affaiblissement de la laïcité. L’ex-membre du Haut Conseil à l’intégration rappelle que, dès 2004, le rapport Obin sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse à l’école montrait que, en raison d’un racisme les visant, les enfants juifs ne pouvaient pas être scolarisés dans « n’importe quel établissement » public.

Alain Seksig évoque aussi d’autres faits préoccupants : « Récemment, en région parisienne, trois jeunes filles musulmanes ont choisi de quitter leur lycée professionnel pour échapper aux pressions de certains de leurs coreligionnaires qui entendaient dicter leur comportement », raconte-t-il.

Ce qui est sûr, c’est que le débat sur la laïcité, s’il est loin de se limiter à la question de l’islam, butte souvent sur les craintes que suscitent dans l’opinion publique certains courants fondamentalistes issus de cette religion. « Le risque, c’est que cette mauvaise image nous dissuade de soutenir les hommes et les femmes qui, en France, s’emploient à faire émerger un islam fidèle aux principes de la République », prévient Jérôme Vignon.

Si semblent émerger de nouvelles radicalités, c’est aussi que, d’un point de vue social et économique, les jeunes issus de l’immigration manquent trop souvent de perspectives. « Le nombre de jeunes qui quittent l’école sans qualification n’a pas diminué. Pire : ceux qui réussissent leurs études se heurtent souvent, sur le marché de l’emploi, à une stigmatisation, quand bien même leur famille est en France depuis trois générations… Une partie des candidats au djihad en Syrie ont connu d’ailleurs un parcours scolaire plutôt prometteur », note Jérôme Vignon… Lire l’intégralité.