Tribune de Ben-Dror Yemini, essayiste, éditorialiste et journaliste à Yediot Aharonot, publiée dans le Monde le 15 juillet 2015
Omar Barghouti, l’un des cofondateurs et leader du mouvement Boycott-Désinvestissement-Sanctions (BDS), donnait, dans
son entretien paru dans Le Monde du 3 juillet, sa solution au conflit israélo-arabe. Sa demande principale réside dans le « droit au retour » de plusieurs millions de réfugiés palestiniens, insistant bien sûr sur le fait que ces derniers auront la possibilité de retourner dans ce qui est actuellement l’Etat d’Israël. Il reconnaît aussi, au passage, qu’après le retour massif de ces réfugiés, ce même Etat d’Israël n’existera plus, car devenu en majorité arabe. Cela ne constituerait en aucune façon un problème, estime-t-il. Après tout, les Juifs vivaient autrefois en terres d’islam sous domination arabe, avec le statut de minorité (dhimmi) où, selon lui, à la différence de l’Europe, « massacres et pogroms antijuifs n’existaient pas ». Les Juifs pourront donc tranquillement poursuivre leur existence, comme minorité, dans ce pays à majorité arabe que serait devenu Israël.
Parvenir à trouver un règlement au conflit israélo-palestinien constitue une tâche fondamentale. Mais BDS constitue un piège tendu à tous les simples d’esprit. Nous devons combattre ce mouvement car il est devenu l’ennemi de la paix. Il faut faire très attention. BDS ne se bat pas en faveur du droit des Palestiniens à leur autodétermination, ni en faveur d’un règlement basé sur le principe de deux Etats pour deux peuples. BDS prône une option entièrement différente, qui n’est pas dirigée vers les Palestiniens, mais contre l’existence même de l’Etat d’Israël.
Dislocation du Moyen-Orient
En quoi la solution prônée par Barghouti constitue-t-elle une tragédie, à commencer pour le peuple palestinien ? N’importe quelle personne raisonnable peut observer ce qui se déroule au Moyen-Orient depuis plusieurs années. Plusieurs pays, Syrie, Irak, ou Libye, se trouvent entièrement disloqués. Les lignes de confrontation deviennent désormais tribales et religieuses. Sunnites contre Chiites, Kurdes face à l’Islam politique, l’Islam politique, à travers les mouvements djihadistes, opposé aux musulmans non islamistes, musulmans contre alaouites, druzes et sunnites contre alaouites, et ainsi de suite. Des conflits de la même nature frappent la Libye, le Nigeria, la Somalie, le Yémen, le Pakistan et l’Afghanistan. Il y a dix ans, le Soudan était le théâtre d’un génocide au Darfour, commis par sa majorité arabe contre sa population noire africaine, elle aussi musulmane. Parfois, il ne s’agit pas d’un conflit sanglant, juste des discriminations, comme celles endurées par les chrétiens coptes en Egypte.
Cette situation perdure dans des pans entiers du monde arabe. Lorsque Omar Barghouti propose aux juifs de devenir une minorité en terre d’Israël, il les laisse choisir entre le destin des noirs africains au Darfour et celui des coptes en Egypte. La réponse de n’importe quelle communauté devant une telle offre a toujours été : « Non, merci ». 52 millions de personnes devinrent réfugiées au cours de la première moitié du XXe siècle. De nouvelles entités furent créées. Dans certains cas, la question du droit au retour fut soulevée, y compris par des pétitions adressées à la Cour européenne des droits de l’homme. Elles furent toutes rejetées, car cette demande ne fait pas partie des droits de l’homme. Bien au contraire. Ces demandes aboutissaient à remettre en cause et à déstabiliser le nouvel ordre créé après deux conflits mondiaux...
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