Tribune
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Publié le 14 Octobre 2014

Le chemin de la paix passe avant tout par celui de l'école

Par Virginie Bleitrach, Responsable de la division Éducation et Formation professionnelle à l'Agence française de Développement, et Véronique Sauvat, Chef de projet éducation formation et emploi à l’AFD, publié dans le Huffington Post le 14 octobre 2014.

Le double prix Nobel de la Paix décerné le 10 octobre 2014 à Malala et Satyarthi nous rappelle que le chemin de la paix passe avant tout par celui de l'école, pour toutes et tous. Il nous rappelle aussi que l'avenir se construit patiemment en investissant dans le long terme, en premier lieu, dans l'éducation de nos enfants.

Que nous raconte l'histoire de Malala et Satyarti?

L'histoire de Malala nous raconte que dans la Vallée de la Swat, au Pakistan, les talibans incendient les écoles pour filles, menacent et assassinent ceux qui les promeuvent. Que s'élever contre cette violence faite aux filles et contre la négation du droit à apprendre peut se payer cher. Plusieurs mois d'hospitalisation pour Malala. Mais elle nous raconte aussi la volonté réaffirmée de ne pas céder qui lui a valu d'être invitée dans les instances internationales pour partager son témoignage, puis une reconnaissance médiatique et déjà plusieurs distinctions. Elle nous rappelle aussi la campagne "bring back our girls" à laquelle s'est associée Malala pour la libération des jeunes Nigérianes.

L'histoire de Kailash Satyarthi nous raconte que le travail des enfants et leur exploitation concernent aujourd'hui encore des millions d'entre eux, en Inde bien sûr où il a créé son organisation de lutte contre ces pratiques, mais aussi dans bien d'autres pays. Activiste depuis plus de vingt ans, il est bien connu de l'UNESCO ou du Partenariat mondial pour l'éducation où il porte le combat contre le travail des enfants et contre les entreprises qui les emploient pour offrir aux consommateurs des biens à bas coût. Au prix de leur maintien dans l'ignorance et la pauvreté.

Le chemin de la paix passe avant tout par celui de l'école, pour toutes et tous

Malala est la plus jeune lauréate de l'Histoire du Prix, ce qui en dit long aussi. A-t-on le droit de s'en offusquer ou doit-on s'en réjouir?

Se pose-t-on la question de savoir si elle n'était pas trop jeune pour frôler la mort pour la simple raison d'aller à l'école? Les enfants exploités à travers le monde, les jeunes filles victimes de violence qui n'ont jamais mis les pieds à l'école ou sont contraintes de l'abandonner, ne sont-ils pas trop jeunes pour être privées de leur liberté, de leur avenir?

Au-delà de leur personne, c'est le combat de Malala Yousufzai et Kailash Satyarthi et la cause qu'ils représentent qui ont été salués et récompensés par le jury du Nobel. Ce prix a l'immense mérite de porter chaque année sur le devant de la scène les atteintes à la paix et l'engagement de ceux qui refusent de s'y résigner. Ce prix et le modèle qu'incarne Malala redonnent du courage à tous ceux qui militent dans l'ombre pour l'éducation, aux enfants et jeunes en particulier qui osent faire entendre leur voix pour faire valoir leurs droits. Non, le courage n'a pas d'âge.

Le combat des militants pour l'éducation dans les pays en développement

Il nous rappelle que l'éducation est d'abord et avant tout un droit fondamental, de chaque personne, garçon ou fille, riche ou pauvre, urbain ou rural.

Ne pas reconnaître ce droit c'est ouvrir une brèche - profonde - dans le fragile édifice de la Paix. Ne pas reconnaître ce droit, c'est jeter les enfants dans les rangs d'une jeunesse désœuvrée, frustrée, non qualifiée, bon marché et sacrifiée. C'est nourrir le fléau du chômage et l'exclusion des jeunes, facteurs de déstabilisation politique majeurs et de violence.

Reconnaître ce droit, c'est entendre cette jeunesse qui revendique tout simplement plus de dignité. C'est croire en la chance d'un monde meilleur, plus fort, plus stable, plus juste.

Vecteur de paix, l'éducation est aussi un enjeu majeur sur les plans politique, économique et social, un puissant moteur de développement. Les moins de 25 ans représentent les 2/3 de la population sur le continent africain et encore près de 50% en Asie et en Amérique latine. Cette jeunesse représente sans nul doute une immense richesse, un gisement de croissance et une opportunité de transformation. Mais cela peut être aussi un drame en puissance si la jeunesse n'est pas dotée du bagage nécessaire pour gagner son autonomie, construire ses choix de vie, apprendre à vivre ensemble et faire société. C'est la raison pour laquelle, contribuer à une éducation de qualité pour toutes et tous, tout au long de la vie, demeure une des priorités d'intervention de l'Agence Française de Développement… Lire la suite.