Tribune
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Publié le 16 Octobre 2013

Le silence pour réponse aux chrétiens persécutés

Par David Harris, Executive Director, AJC; Senior Associate, St. Antony's College, Oxford (2009-11) - AJC France

 

Le 22 septembre, des dizaines de fidèles chrétiens ont été assassinés dans une église au Pakistan. Beaucoup d’autres furent blessés. Les assaillants étaient des djihadistes kamikazes. Ce n’était pas la première fois que la communauté chrétienne au Pakistan était victime d’une attaque.

En Égypte, des assauts répétés ont visé les églises chrétiennes coptes. Certains membres de cette communauté ancestrale, convaincus de ne plus avoir d’avenir dans le pays le plus peuplé du monde arabe, ont émigré.

 

En Irak, la population chrétienne chaldéenne a diminué au cours de ces dernières années. Les persécutions perpétuelles des groupes islamistes ont été le facteur clé de cette diminution.

 

Au Nigéria, des attaques régulières menées par des groupes musulmans radicaux sur des fidèles chrétiens et leurs églises ont apporté mort et désolation.

 

En Turquie, le Patriarcat œcuménique orthodoxe grecque a dû faire face à des barrages bureaucratiques systématiques.

 

En Chypre du Nord sous occupation turque, de nombreuses églises grecques orthodoxes ont été détruites ou profanées depuis que l’armée turque l’a envahie en 1974.

 

Enfin, au Soudan, jusqu’à l’éclatement du pays en 2011 qui a conduit à l’existence du Soudan du Sud, des millions de chrétiens dans le sud ont été visés par le nord musulman, entraînant un bilan incroyablement élevé de mort.

 

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle devrait être plus que suffisante pour alarmer le monde et surtout, je pense, le monde chrétien. Mais, hélas, à quelques exceptions notables, le silence demeure.

 

En tant que juif, je trouve ce silence inconcevable.

 

Nous, les Juifs, savons très bien que le péché du silence n’est pas une solution aux actes d’oppression.

 

Et cela s’applique non seulement à l’exemple évident de l’Holocauste, mais aussi à la situation d’après-guerre des Juifs dans plusieurs pays à majorité musulmane. Il y avait près d’un million de juifs dans ces pays, alors qu’aujourd’hui, il en reste moins de 50.000.

 

Les communautés juives de l’Irak à la Lybie, de l’Égypte au Yémen, sont chassées, tandis que celles de Turquie et d’Iran ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes.

 

Et ce, dans l’indifférence totale du monde entier.

 

L’ONU ne s’est pas réunie en session d’urgence. Les médias ont consacré une très faible attention. Des diplomates de Bruxelles et d’ailleurs ne se sont que trop peu manifestés. Et, soit dit en passant, les églises n’ont pas été écoutées non plus.

 

Étant donné que les Juifs survivants ont quitté l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient musulman, le monde a fermé les yeux. Or, maintenant que les Juifs ne sont plus disponibles pour joueur leur rôle de boucs émissaires "pratiques", ce triste honneur revient aux chrétiens (et, en Iran, au Baha’i). Serait-il possible que le monde reste encore une fois endormi face à de telles attaques meurtrières, à la peur généralisée et à la baisse de leur population?

 

J’ai demandé à un haut dignitaire chrétien pourquoi n’y avait-il aucune réaction, aucune descente dans les rues, aucune demande auprès des gouvernements occidentaux, et pourquoi n’y avait-il aucune preuve de solidarité auprès de ses coreligionnaires.

 

Sa réponse fut révélatrice.

 

Il a répondu que les communautés chrétiennes visées risquaient d’être encore plus en danger si des voix s’élevaient. Mais que s’est-il passé pour céder à l’intimidation, à l’exception de toujours plus d’attaques?

 

Il a également ajouté que certains chrétiens d’Occident ne s’identifient pas à travers les chrétiens des autres mouvements, comme les Coptes, les Chaldéens, ou les orthodoxes grecs. Mais ce n’est guère une justification. Est-il juste que la colère ne soit déclenchée que si «les critères d’adhésion» sont remplis?

 

Enfin, il soulignait que la chose la plus importante à faire pour les sociétés occidentales serait de bien traiter les communautés minoritaires et en particulier les musulmans afin que cela serve d’exemple au monde islamique.

 

Oui, c’est tout à l’honneur des nations démocratiques que de se juger soi-même par la façon dont elles respectent les minorités et nous sommes conscients que nous devons nous améliorer.

 

Cependant, comme l’a dit l’ancien Président de la France, Nicolas Sarkozy après avoir rencontré une délégation d’ambassadeurs arabes qui se sont plaints au sujet du traitement des musulmans en France, la France doit faire mieux, mais la France attend aussi la «réciprocité».

 

En d’autres mots, c’est le comble de l’hypocrisie de la part des dirigeants arabes qui critiquent les pays occidentaux pour les injustices perçues, tandis que les mêmes injustices – et plus encore – perdurent sur leurs propres terres. Si une mosquée peut être construite à Paris, une église ne devrait surement pas être radiée à Riyad.

 

Combien d’autres attaques comme celle au Pakistan, combien d’autres fidèles assassinés, combien d’autres églises détruites et combien d’autres familles en fuite avant que le monde s’élève d’une même voix, exprime son indignation morale, exige plus que des déclarations éphémères de la part de certains fonctionnaires d’État et se soulève pour soutenir les communautés chrétiennes en danger?