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C'est ainsi que dans les médias, les personnes interviewées ont raconté que même leurs familles en Israël et ailleurs s'inquiètent pour elles quand elles voient les images des manifestations à la télévision. Et les uns et les autres ont énuméré les problèmes qui créent un malaise: "on n'ose plus mettre de signes distinctifs d'aucune sorte", "je ne dis plus que je suis juive", "j'ai peur pour mes enfants", "je cache que je suis allé en Israël en vacances", etc. Certes, les historiens, sociologues et autres spécialistes interviewés ont replacé à juste titre les choses dans leur contexte.
Ils ont expliqué que la France n'est pas un pays antisémite, que cet antisémitisme-là, celui des années 2000, n'a rien à voir avec celui de l'avant-guerre. Que le phénomène s'est déplacé vers un antisémitisme de "banlieue" pour l'essentiel, qui concerne une minorité, centrée sur la diabolisation d'Israël et l'amalgame qui va de pair entre "Juifs" et "Israéliens", "sionistes" et "racistes", voire "nazis". Ajoutons que les nouvelles passions antijuives se nourrissent également des stéréotypes négatifs hérités du vieil antisémitisme populaire à l'européenne, où le ressentiment trouve ses principaux stimulants: "Les Juifs ont le pouvoir", "ils dirigent les médias", "ils sont partout", "ils ont toutes les places", "ils ont tout, nous n'avons rien", toutes ces horreurs et les fantasmes misérables entendus ici ou là et ressassés (hélas) depuis des siècles, comme l'explique si bien dans La Judéophobie des modernes (Paris, Odile Jacob, 2008), le philosophe Pierre-André Taguieff.
Les dernières violences
Il est vrai que ces récents reportages et papiers sur l'inquiétude des Juifs de France ont été réalisés dans un contexte particulier. Prenons quelques Exemples:
Dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 juillet 2014, un cocktail Molotov a été lancé contre la synagogue d'Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis.
Le lendemain, dans le 11e arrondissement de Paris, rue de la Roquette, une centaine de jeunes, portant pour beaucoup les couleurs du Hamas ou le drapeau palestinien, ont tenté d'attaquer la synagogue qui se trouve dans cette rue, mais ont été repoussés par les CRS présents sur place.
Le samedi 19 juillet 2014 s'est tenue à Paris la manifestation "en soutien au peuple palestinien", bravant l'interdiction préfectorale. Elle avait pourtant débuté dans le calme, mais elle a dégénéré en scènes d'émeutes. Plus d'une quarantaine de personnes ont été interpellées, 17 policiers et gendarmes ont été blessés. Les boulevards autour de Barbès étaient recouverts de bris de glace, entre abribus et cabines téléphoniques détruites, et deux camionnettes étaient calcinées au milieu de la chaussée, ainsi que des poubelles. La chaussée était également jonchée de plaques de bitumes arrachées.
Ce que Bruno Le Maire, député UMP de l'Eure, a résumé en une phrase: "Quand une manifestation dégénère en menaces et en actes antisémites, la barbarie gagne la France" (Le Figaro, lundi 4 août 2014)… Lire la suite.