- English
- Français
Cette résurgence de l'idéologie nazie ne concerne pas uniquement la Grèce. En Lettonie, fait nouveau cette année, en réaction aux critiques formulées contre la marche annuelle des anciens Waffen SS, le président de la République a soutenu ces derniers. En Autriche, le FPÖ, parti d'extrême droite qui vit dans la nostalgie du IIIe Reich, est favori des prochaines élections parlementaires. En Hongrie, la Garde hongroise, héritière de la milice du parti des Croix fléchées qui organisa naguère l'extermination des juifs et des Tziganes, terrorise aujourd'hui les juifs et provoque des ratonnades et des meurtres de Roms.
Cette résurgence a été rendue possible par un minutieux travail de remise en cause du vivre ensemble orchestré par les partis d'extrême droite ayant adopté la stratégie élaborée aux Pays-Bas par le Parti pour la liberté de Geert Wilders au début des années 2000. Celle-ci consiste à cacher le discours de l'inégalité des races derrière le masque culturel de "la lutte contre l'islamisation de l'Europe".
À la faveur d'une crise économique et sociale qui favorise la recherche frénétique de boucs émissaires et qui renforce la crainte du déclin du Vieux Continent, cette stratégie s'est révélée redoutablement efficace. Elle a ainsi permis à des partis d'extrême droite prétendument "dédiabolisés" d'être des soutiens ou des membres de coalitions gouvernementales et a contribué à banaliser les expressions du racisme et de l'antisémitisme au sein des sociétés européennes. Au final, cette extrême droite prétendument "dédiabolisée" a préparé le terrain aux partis avec lesquels elle partage l'idéologie raciste et antisémite mais qui, à l'instar d'Aube dorée, peuvent désormais conjuguer succès électoraux et expression ouverte de leur haine.
Face à cette situation terrifiante qui s'incarne aujourd'hui dans l'entrée de députés néonazis au Parlement grec, nous affirmons en solidarité : "Nous sommes tous des juifs grecs !" Nous n'acceptons pas qu'en Grèce comme ailleurs sur notre continent, des juifs, des immigrés, des musulmans, des Roms ou des Noirs aient peur pour leur vie parce qu'ils sont ce qu'ils sont.
Nous appelons tous les citoyens, les partis politiques, les syndicats, les forces de la société civile, les intellectuels et les artistes à s'opposer à l'extrême droite en faisant vivre le rêve européen. Le rêve européen pour lequel nous nous engageons, c'est celui d'un continent qui se souvient qu'il s'est construit sur les ruines laissées par le nazisme et dans le souvenir de la Shoah. C'est celui d'un continent débarrassé du racisme et de l'antisémitisme. C'est celui d'un projet de société fondé sur un vivre ensemble par-delà les frontières.
Mais pour que ce rêve s'incarne à nouveau, il est urgent de mettre fin à deux dogmes. Le dogme de l'austérité tout d'abord, qui provoque des ravages au fondement du succès des partis populistes et qui limite les perspectives de la jeunesse européenne au remboursement de la dette, comme si des générations entières devaient être sacrifiées sur l'autel de la rigueur perpétuelle.
Le dogme de "l'Europe forteresse" ensuite, qui favorise le développement de discours anti-immigrés ainsi que la fermeture des frontières alors même que l'Europe a besoin d'immigration si elle veut préserver un élément fondamental de l'identité européenne d'après-guerre : son système de protection sociale.
Il est désormais primordial pour les institutions européennes de renouer avec une aspiration à la démocratie, au progrès social, à la promotion de l'égalité entre les individus et à la protection de ceux sur qui se concentrent des violences raciales et sociales exacerbées par la crise.
Alors que l'idée d'Europe est souvent décriée, il nous paraît fondamental de faire plus d'Europe, plus intensément, plus rapidement, plus fortement, et de redonner un souffle puissant au rêve européen. À ne pas faire vivre ce rêve, nous nous condamnerions à déambuler au milieu d'un cauchemar, en Grèce comme ailleurs en Europe.
Anthony Giddens, sociologue ; Adam Michnik, historien, ex-membre de Solidarnosc ; Élie Wiesel, Prix Nobel de la paix, écrivain ; Benjamin Abtan, président d'EGAM ; Dario Fo, prix Nobel de littérature ; Svetlana Gannushkina, dirigeant de Memorial en Russie ; Amos Gitaï, réalisateur ; Béate et Serge Klarsfeld, président de Fils et filles de déportés juifs de France ; Bernard Kouchner, ex-ministre ; Bernard-Henri Levy, philosophe ; Oliviero Toscani, photographe ; A. B. Yehoshua, écrivain ; Daniel Barbu, professeur à l'Université de Bucarest ; Jovan Dijvak, général défenseur de Sarajevo assiégée ; Amélie Nothomb, écrivaine, Dominique Sopo, président de SOS Racisme.
Anthony Giddens, sociologue, Adam Michnik, historien, Élie Wiesel, Prix Nobel de la paix et écrivain....
Autres signataires :
Benjamin Abtan, président d'EGAM, Dario Fo, Prix Nobel de littérature, Svetlana Gannushkina, dirigeante de Memorial en Russie, Amos Gitaï, réalisateur, Béate et Serge Klarsfeld, président des Fils et filles de déportés juifs de France ; Bernard Kouchner, ex-ministre ; Bernard-Henri Lévy, philosophe ; Oliviero Toscani, photographe ; A. B. Yehoshua, écrivain