Tribune
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Publié le 20 Février 2013

Liban. Hezbollah terroriste

 

Par Elie Barnavi. Tribune publiée dans l’édition de Marianne du 16 au 22 février 2013.

 

L'attentat du 12 juillet 2012 à l'aéroport de Burgas, en Bulgarie, qui a tué cinq touristes israéliens et leur chauffeur bulgare, m'a remis en mémoire une conversation ancienne. Voilà une douzaine d'années, en service commandé, j'avais essayé de convaincre Jacques Chirac qu'il était grand temps de considérer le Hezbollah pour ce qu'il était : une organisation terroriste, responsable, depuis sa naissance, en 1982, d'enlèvements, de meurtres, d'attentats-suicides, de détournements d'avions et de bombardements, sur le sol libanais et à l'étranger, qui se sont soldés par des centaines de victimes. Sans même parler d'autres nationalités, ai-je plaidé, longue est la liste des Français assassinés par les tueurs du Parti de Dieu, au Liban et à Paris. Le président n'a rien voulu savoir. Le Hezbollah est un parti politique libanais, a-t-il fait valoir, qui fait partie du tissu social et culturel de ce pays et participe de son équilibre confessionnel. Certes, ai-je rétorqué, mais tel est le cas de tous les mouvements terroristes nationaux, voyez le Hamas palestinien. N'est-il pas inconséquent de traiter ce dernier de terroriste et non son équivalent chiite libanais ? Nous nous sommes quittés bons amis 

 

Depuis ce jour lointain dans le bureau présidentiel, le Hezbollah s'est livré à des dizaines d'opérations meurtrières, notamment l'attaque, explicitement revendiquée, de l'ambassade d'Israël en Argentine en 1992 (29 morts, 242 blessés), puis, deux ans plus tard, celle contre la mutuelle juive Amia de Buenos Aires (85 tués, plus de 200 blessés), laquelle, malgré des preuves accablantes accumulées par les enquêteurs argentins contre l'organisation terroriste et ses commanditaires iraniens, a fait récemment l'objet d'un accord grotesque entre l'Iran et l'Argentine. Il est dans la nature des mouvements terroristes de ne pas savoir jusqu'où aller trop loin, gouvernement de Cristina Kirchner prévoyant la mise sur pied d'une « commission-vérité ».Tout dernièrement encore, des projets d'attentats ont été déjoués au dernier moment en Inde, en Thaïlande, en Géorgie, au Kenya et à Chypre. Mais Burgas, c'est différent. Burgas, c'est l'Europe. Le ministre bulgare de l'Intérieur, Tsvetan Tsvetanov, ayant désigné officiellement, le 5 février dernier, le Hezbollah comme étant le « responsable » de l'attentat, il sera difficile aux Européens de jouer les autruches.

 

Certes, on peut comprendre les réticences de certains membres de l’UE, notamment la France et l'Allemagne, à coucher le Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes, ce qui aurait pour résultat le démantèlement de son réseau de financement et de communication à travers le continent. Comme le craignait le président Chirac, la « stabilité » du Liban, dont le gouvernement est dominé par le Parti de Dieu et ses alliés, risque effectivement d'en être affectée. Mais la « stabilité » n'est pas un objectif en soi. Lorsqu'elle a pour pilier une organisation comme le Hezbollah, sa quête à tout prix n'est qu'une forme de démission face à la terreur, qui, elle, est une affaire dynamique. La terreur n'a rien à faire de la stabilité. Aussi bien, il est dans la nature des mouvements terroristes de ne pas savoir jusqu'où aller trop loin. Mis sous pression à la fois par la violence qui menace d'engloutir son allié syrien et les forces qui lui sont hostiles au Liban, le Hezbollah a commis une grossière erreur en s'en prenant à une cible sur le sol européen. Il appartient à l'Europe d'exploiter cette erreur. Ce faisant, elle rendrait service non seulement à Israël, mais au Liban, à la cause contre le terrorisme global, et à elle-même. Rendez-vous à la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union, le 18 février. Ou pas ?