English
Français
Pour Lisa Seror, native de Tunis, l'un des peintres les plus talentueux de sa génération, héritière légitime de Bismouth et de Lellouche, de Naccache et de Braïtou Sala , les couleurs se devaient de pallier à l'absence en terre d'exil du soleil vigoureux et du sable chaud, des parfums suaves du jasmin et de la brise marine. C'est pourquoi, pendant plusieurs années, lors des expositions qui l'ont révélée peu à peu au grand public, Lisa Seror nous a éblouis de ses verts tendres, de ses oranges juteux, de ses jaunes citronnés, de ses rouges capiteux et de ses azurs diaphanes et langoureux. Dans ses tableaux nostalgiques, c'est tout un monde disparu qui renaissait, des femmes et des enfants ou des rabbins en prière.
Loin du pays natal, Lisa Seror n'a pas manqué de retourner régulièrement en Tunisie pour se ressourcer ou, tout simplement, pour humer encore et encore, les senteurs d'autrefois. À La Goulette ou à Tunis, à La Marsa comme à Sousse ou à Sfax, partout, des chaises étaient posées, comme avant, sur le pas des maisons. Mais les vieux Juifs, qui avaient coutume de s'y installer pour prendre le frais, n'étaient plus là. Disparus Gagou et Kamouna, Bichi et Gommara, Lalou et Mreïma.
Pour Lisa Seror, ce fut un choc. Comme le sentiment d'un second exil, d'un exil dans l'exil. Les Juifs de Tunisie, au fil des ans, n'en finissaient pas de disparaître, d'être engloutis dans un véritable néant. Sa palette s'est alors assombrie. Bistres et jais étaient désormais au rendez-vous accompagnant harmonieusement les chaises vides, symboles picturaux d'une disparition annoncée. Toujours vifs, mais jamais agressifs. De nouvelles couleurs pour un exil différemment vécu. Et puis, récemment, comme si les blessures du passé s'étaient enfin cicatrisées, la palette de Lisa Seror s'est à nouveau éclaircie. Elle retrouve la lumière des origines. Pour notre plus grand plaisir.
Au cours des ans, Lisa Seror a exposé ses œuvres dans toute la France et, bien sûr, en Tunisie où l'accueil qui lui est réservé est toujours enthousiaste. Une trentaine de ses toiles sont proposées au public à la Galerie Daniel Besseiche, 33, rue Guénégaud, dans le 6ème arrondissement de Paris du 8 au 24 novembre 2012.
Jean-Pierre Allali