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Le document a tout du rapport d'activité d'une entreprise, rédigé pour séduire de nouveaux investisseurs, note le journal américain. Un coup marketing qui met à distance la violence de la guerre sur le terrain tout en justifiant la crédibilité de son projet d'État 100% islamique.
Avec ce rapport et une stratégie bien huilée sur les réseaux sociaux, l'EIIL a franchi un pas: il mène une guerre des relations publiques. La présence des groupes djihadistes sur le Web, notamment sur les réseaux sociaux, n'a rien d'une nouveauté, en témoigne par exemple le "live-tweet" de l'attaque terroriste du centre commercial de Nairobi l'été dernier. En revanche, jamais un groupe n'avait autant exploité les possibilités des réseaux, notamment de Twitter.
Occuper le terrain numérique
Sur Twitter, Daech -acronyme de l'EIIL en arabe- structure sa communication de façon pyramidale, explique un membre de l'EIIL à Vice, en diffusant un message central par plusieurs canaux. Des codes unifiés, dans les hashtags par exemple, sont même imposés. Au sommet, une poignée de comptes officiels, gérés par des personnes dédiées, diffusent les déclarations et vidéos. En dessous, des comptes Twitter gérés par des brigades sur le terrain donnent des informations sur l'avancée des troupes, les prises de guerre, les victimes...
L'objectif est clair, il faut occuper le terrain numérique. Les deux guerres sont menées en parallèle. Lors de l'avancée fulgurante vers Bagdad la semaine dernière, l'EIIL a déployé un plan de communication très bien rodé, proche de celui utilisé en marketing pour lancer un nouveau produit, analyse CBS. Une campagne de retweet -le fait de poster un message d'un autre sur son compte- a été lancée pour diffuser des images conquérantes, notamment celle du drapeau de l'organisation flottant sur Bagdad avec la mention "Bagdad, nous arrivons!".
Une autre catégorie de comptes Twitter entre alors en jeu: ceux des combattants. Sur leurs profils, ils diffusent notamment les messages du groupe. Pour augmenter leur puissance, l'EIIL a lancé une application Android en avril, The Dawn of Glad Tidings, "l'aube de la bonne nouvelle" en français. Elle permet au groupe de poster des messages automatiquement sur le compte des combattants. Cette stratégie permet de contrôler les messages diffusés et de faire passer un contenu pour plus populaire qu'il ne l'est.
Dans cette optique, d'autres comptes sont utiles à l'EIIL, ceux des "supporters", explique Vice. Ces utilisateurs, qui ne sont pas sur le terrain, vont diffuser les messages et souvent les traduire. Cet effet de masse est bénéfique pour le groupe, explique J. M. Berger, rédacteur en chef de Intelwire.com, puisque cela permet de renforcer l'image et d'attirer les potentiels bailleurs de fonds. Sur la période de l'offensive irakienne, les tweets de comptes proches du mouvement djihadiste utilisant le hashtag #daash (Daech en anglais) ont augmenté de 250%. Selon cet observateur, cette percée sur les réseaux en parallèle de l'avancée sur le terrain laisse augurer un changement dans le flux des dons, qui allaient jusqu'alors au Front al-Nosra, la branche officielle d'al-Qaida en Syrie… Lire la suite.