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Tout commence il y a 50 ans. Le Consul d’Israël à Atlanta, Zeev Dover, veut alors rapprocher Israël des communautés afro-américaines. Il suggère au ministère des Affaires étrangères d’envoyer des livres sur le judaïsme et sur Israël aux Universités traditionnellement noires. En parallèle, Dover recommande d’inviter des conférenciers afro-américains de ses universités en Israël pour enrichir leur connaissance de l’histoire juive et d’Israël.
Le consul déclare également « nous ne devrions pas ignorer cette grande population » et il recommande de « favoriser plus que jamais le contact avec toutes ses branches ». Il souligne que la principale préoccupation d’Israël devrait être axée sur « jeter les bases pour l’avenir ».
Entre autres choses, le consul met l’accent sur les similitudes historiques entre Juifs et Noirs comme minorités persécutées, mais ajoute « notre premier objectif doit être, à mon avis, de combler les lacunes en leurs connaissances et clarifier le lien éternel entre le peuple juif et leur pays ».
Il joint à la lettre une liste de plusieurs dizaines de collèges américains fréquentés par des étudiants noirs. « Dans le sud des États-Unis, les Noirs sont concentrés dans leurs propres collèges, nous permettant ainsi un accès privilégié sans la peur que notre action soit qualifiée de « discrimination » qui pourrait être le cas si nous faisions une demande spéciale et distincte aux étudiants sur des campus mixtes » écrit-il.
Alors que le gouvernement israélien n’a pas encore formulé sa position définitive au sujet du révérend Martin Luther King, d’autres organisations en Israël se précipitent pour l’inviter en Israël. La Fédération du travail de la Histadrut reçoit bien une confirmation du révérend, mais pour une raison inconnue, il annule sa visite. En 1964, à l’annonce du prix Nobel de la paix qui doit être attribué à Martin Luther King, les représentants israéliens lui lancent une nouvelle invitation qu’il accepte, mais cette visite n’aura jamais lieu.
Le vice-Premier ministre Abba Eban s’entretient également avec le révérend à Washington et l’invite à visiter Israël. King accepte, mais aucune date précise n’est trouvée. Cinq mois plus tard, en mars 1965, l’Ambassadeur d’Israël à Washington, Avraham Harman, invite encore une fois Martin Luther King en tant qu’invité officiel du gouvernement israélien « à n’importe quelle date, à sa convenance ». Mais, cette invitation connaît le même sort que les précédentes.
En décembre de cette même année là, le révérend rencontre Shimon Yallon, consul général d’Israël à Atlanta. Au début de la réunion, Martin Luther King déclare qu’il est très touché des diverses sollicitations d’Israël, que cette visite lui tient particulièrement à cœur, mais que depuis quatre ans, malheureusement, son combat pour les droits civiques accapare tout son être et son temps.
Six mois plus tard, Martin Luther King écrit à l’ambassadeur israélien à Washington. Dans sa lettre, il se dit être « très gêné » de ne pas avoir répondu à sa demande au cours des derniers mois. Il écrit : « il y a quelques jours, un de mes secrétaires a découvert un grand nombre de lettres placées dans un dossier de « lettres à produire », votre lettre faisait malheureusement partie de ce dossier particulier… Je peux vous assurer que ce n’était pas en raison de pressions quelconques, mais à cause d’un sous-effectif et d’un surmenage du bureau ».
Mais, malgré les excuses, le révérend termine la lettre avec une réserve : « À ce jour, il n’est pas possible pour moi de vous donner une date à laquelle je pourrai venir en Israël, mais j’espère que mon emploi du temps sera bientôt soulagé afin que je puisse accepter cette invitation à me rendre en Israël », écrit-il à l’ambassadeur.
Le Premier ministre Levi Eshkol écrit à Martin Luther King qu’il est heureux d’entendre parler de sa prochaine visite en Israël et lui offre tous les services du gouvernement pour ce voyage. En mai 1967, le révérend répond de nouveau qu’il accepte l’invitation et qu’il serait heureux de rencontrer le premier ministre personnellement : « Je vous exprime ma profonde gratitude pour l’invitation que vous me faites pour venir dans votre merveilleux pays », écrit-il. Le déclenchement de la guerre des Six Jours vient ruiner cette ultime invitation d’Israël. Moins d’un an plus tard, le 4 avril 1968, il est assassiné.
« Martin Luther King était favorable à Israël et s’est déclaré maintes fois en faveur de son droit à exister en paix. Mais compte tenu de tous ses empêchements à se rendre en Israël, il semble qu’il ne voulait pas trop s’identifier avec Israël durant la lutte pour l’égalité des droits pour les Noirs aux États-Unis » écriront Shlomo Mark et Hagai Zoref dans les Archives du Département d’État. « Il est possible que, durant les années 1960, son influence commençant à diminuer dans la communauté afro-américaine avec la montée des groupes plus radicaux identifiés avec des positions anti –Israël, comme Malcolm X et les Panthères Noires, a aussi contribué à cela » ajoutèrent-ils.
Simple coïncidence, 45 ans plus tard, le premier président noir des États-Unis, Barack Obama, effectue à deux semaines près, le voyage en Israël tant rêvé de Martin Luther King.