Tribune
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Publié le 3 Mai 2013

Mediapart va-t-il soutenir Clément Weill-Raynal ?

 

Par Gabrielle Cluzel, écrivain, journaliste.

 

« Le mur des cons », c’est mon feuilleton préféré. On en est à la saison 2, le « Syndicat de la magistrature contre-attaque », et franchement, j’adore. Tous ces pompiers qui courent dans tous les sens pour éteindre l’incendie, mais qui n’arrivent pas à déplier la grande échelle et s’y prennent comme des manches pour dérouler le tuyau, que voulez-vous, ça me fait marrer. 

 

Leurs airs de vierge prude, d’abord, qui leur vont comme une petite moufle : Cooooomment ! Et la déontologie, alors ? Donner de l’information récoltée sans le nihil obstat des intéressés, ce ne sont pas des façons de journaliste, ça ! Parce qu’évidemment Cahuzac, lui, avait donné son imprimatur à Mediapart : Vas-y, Edwy, fais-moi mal, tape encore plus fort ! Leurs airs excédés, fatigués, supérieurs, pour écarter tout cela d’un revers de main : Ah ! Vous voulez parler de ces quelques photos épinglées là, sur un mur sombre ? Ce que vous êtes susceptibles… « Pas de quoi en faire un fromage », comme dit Laurent Berger. Une blague de potache, bien sûr. Les magistrats, c’est bien connu, sont de grands potaches. La prochaine fois que vous vous rendrez dans un tribunal, vérifiez que l’un d’entre eux ne vous a pas planqué un coussin péteur sous la chaise ou une araignée gluante dans le cou. C’est vrai que les tribunaux sont vraiment des endroits où l’on vient pour rigoler un bon coup. C’est pour cela que nos amis les magistrats, ceux qui rendent la justice en toute impartialité, ont mis obligeamment sur leur trombinoscope les pères de deux jeunes filles assassinées, pour qu’ils se détendent un peu : ils n’avaient pas trop l’air dans leur assiette. Une blague de potache, un trombinoscope bien innocent… mais que l’on a quand même fait disparaître, c’est plus prudent. Quand l’avocat d’un des« cons » a voulu faire constater tout cela devant huissier, on s’est rendu compte qu’on avait bêtement jeté le mur des cons. Par inadvertance, sans doute. On devait avoir la tête ailleurs, et hop on a foutu le grand panneau dans les encombrants. À moins qu’on en ait fait des confettis. Parce que vous pensez bien que ce n’est pas le genre de respectables magistrats d’aller détruire sciemment une pièce à conviction qui, détaillée de près, aurait pu en dire sans doute encore plus long qu’un petit film pris à la sauvette. Leurs airs vengeurs de justicier dans la ville pour muer le témoin en accusé (faites-moi peur, c’est comme cela qu’ils ont l’habitude de rendre la justice ?). À côté, Le Procès de Kafka, c’est "La petite maison dans la prairie". Clément Weill-Raynal (qui s’était attiré par ailleurs un certain nombre d’inimitiés avec l’affaire al-Dura) peut-il au moins espérer être défendu par son « corps », ses confrères ? On attend vainement un soutien de Mediapart au nom de la liberté de la presse, et sur "Le Plus" du Nouvel Obs, Bruno Roger-Petit n’hésite pas à comparer les aveux du journaliste de France 3 à ceux de Cahuzac. Quant au Syndicat des journalistes, il accourt pour prêter main-forte… au Syndicat de la magistrature : on lui tient la tête dans le sac, les gars, vous pouvez lui faire sa fête. Parce que vous pensiez quoi? Un syndicat de journalistes ne se sent pas solidaire des journalistes, bien sûr, mais des autres syndicats, ceux qui ont le bon goût de partager ses options idéologiques. Et c’est pour ça que je raffole de ce feuilleton. C’est aussi mauvais qu’une production française (m’étonne pas que France 3 soit dans la boucle), les ficelles y sont aussi grosses, mais cela vous met en joie. Car le mur des cons qui est en train de disparaître n’est pas seulement celui qu’ils ont fourré en douce dans la poubelle, mais ce mur opaque, étanche, qu’ils ont monté entre eux, la France qui compte et parle fort, et nous autres, la France des cons qui, si elle l’ouvre, se fait sniper par les VoPos.