Tribune
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Publié le 7 Mai 2014

Non, Mme Le Pen, tout n’a pas «échoué» dans l’Union européenne

Tribune de Bernard Guetta publiée dans Libération le 6 mai 2014

«Tout, dit-elle, a échoué dans leur Union européenne, tout sans exception.» Alors passons sur ce «leur» de Mme Le Pen, sur cette manière de désigner des forces occultes qui seraient à l’origine d’une ambition aussi repoussante et perverse que celle d’unir les Européens, passons sur cette volonté d’embrouiller les esprits au lieu de les éclairer et prenons ce «tout sans exception», si totalement contraire à la réalité.

Premier pas de l’unité, au tout début des années 50, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca) a non seulement permis de mutualiser les moyens de ses six pays membres au moment où leur reconstruction l’exigeait, mais également favorisé un effort commun d’amélioration de la vie des mineurs. Pour être un plein succès, la Ceca aurait dû déboucher sur le lancement de la politique énergétique commune qui manque toujours tant à l’Europe, mais elle n’en a pas moins été une réussite, économique et sociale.

En instituant le Marché commun, le traité de Rome a formidablement amplifié, ensuite, le boom économique de l’après-guerre. Il a été le père des Trente Glorieuses dont la reconstruction était la mère. Sans lui, sans ce fondement de la construction européenne, cette période de plein-emploi n’aurait pas été aussi faste. Luttes syndicales ou pas, les salariés européens, surtout, n’auraient pas acquis de si nombreux avantages sociaux que, malgré l’inversion du rapport de forces entre le capital et le travail depuis les années 70, l’Union reste l’endroit du monde où la protection et la solidarité sociales sont, jusqu’aujourd’hui, les plus fortes.

En fait de «tout échoué», on aurait pu faire pire, mais ce n’est évidemment pas tout. C’est grâce à la Politique agricole commune (PAC), celle dont la France a tant profité, que l’Europe a pu moderniser son agriculture, être autosuffisante et exportatrice. C’est grâce aux Fonds structurels, à ces colossales masses d’argent, que la solidarité des Européens les plus riches avait déversées sur eux, que l’Espagne, la Grèce et le Portugal ont pu sortir de l’arriération dans laquelle les avaient laissés leurs dictatures, enraciner leur démocratie naissante et s’ouvrir, en retour, pour le plus grand bien de tous, aux exportations du reste de l’Europe… Lire la suite.