English
Français
Atlantico : L'Ayatollah Khamenei s'est récemment illustré par ses déclarations sur l'avenir des discussions de Vienne, allant jusqu'à affirmer qu'il "n'était pas optimiste [sachant] que les négociations ne mèneraient nulle part", tout en assurant qu'il n'était pas opposé au dialogue. Comment expliquer l'adoption de ce double discours après les premiers signes d'ouverture donnés par le Président Hassan Rohani ?
Thierry Coville : Il faut d'abord noter que la stratégie de Rohani privilégiant la négociation et le rapprochement avec les États uni pour régler la crise du nucléaire a forcément été validée par le Guide. Dans ce contexte, cette récente déclaration peut s'expliquer par plusieurs éléments. Khameini a cependant toujours été très méfiant vis-à-vis des États-Unis, qu'il a longtemps soupçonnés de vouloir utiliser le prétexte du nucléaire pour obtenir un changement de régime. Les récentes tentatives de membres du Congrès et du Sénat américain de faire voter de nouvelles sanctions contre l'Iran (ce qui rendra l'accord de Genève caduc) nourrissent cette méfiance. Par ailleurs, en tant que Guide, il veut être au-dessus de la mêlée, tout en prenant en compte les équilibres de politique intérieure. Il y a actuellement une opposition très nette des conservateurs les plus radicaux à l'accord de Genève sur le nucléaire et à la politique de rapprochement avec les États-Unis. Ces groupes estiment que le gouvernement iranien fait trop de concessions aux Occidentaux et en particulier aux États-Unis, qui restent à leurs yeux un ennemi de la république islamique. Par ces récentes déclarations, Khameini exprime ses doutes quant à l'intention des États-Unis de vraiment vouloir un accord, et donne des "signes" aux durs. Cela lui laisse une marge de manoeuvre pour se dissocier de Rohani si les négociations n'aboutissent pas.
Les relations entre Washington et Téhéran se sont dégelées sur les derniers mois. Peut-on parler pour autant de rapports chaleureux actuellement ?
On est dans une phase de reprise de contact après 30 ans d'affrontement. Les rapports sont donc loin d'être chaleureux, mais on peut supposer que les 2 gouvernements ont commencé à échanger des informations et à mieux appréhender leurs politiques et intérêts respectifs. Il est probable que sur un certain nombre de dossiers (nucléaire, Syrie, etc.), Américains et Iraniens aient établi des lignes de communication. Cependant, en Iran, les conservateurs les plus radicaux restent très opposés à ce rapprochement. Il est intéressant de constater que la situation est assez similaire aux États-Unis, où une partie du Congrès et du Sénat reprochent à Obama de faire trop de concessions à l'Iran en privilégiant la négociation aux sanctions. Les gouvernements iranien et américain doivent donc sans arrêt démontrer à leurs opposants respectifs qu'ils ne font pas trop de concessions à l'autre partie... Enfin, on peut noter que le gouvernement américain doit en plus gérer la colère de ces alliés traditionnels (Arabie Saoudite, Israël) face à ce rapprochement. On peut penser que le gouvernement américain voudrait que son début de coopération avec l'Iran soit le plus discret possible... Certains analystes américains estiment que ce dernier souci a pu conduire les États-Unis à s'opposer à la présence de l'Iran aux récentes négociations internationales sur la Syrie (Genève 2)… Lire la suite.